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opinion ne fut plus soutenable. Soixante échantillons d’air recueilli à des époques différentes et dans des localités diverses, à la ville et à la campagne, et dans les circonstances atmosphériques les plus opposées, lui donnèrent un résultat constant. Il trouva toujours 79,16 d’azote et 20,84 d’oxygène, nombres qui diffèrent bien peu de ceux qu’ont fournis les meilleures déterminations contemporaines. Des milliers d’analyses exécutées depuis lors par les plus habiles chimistes — Gay-Lussac, Humboldt, Brünner, Frankland, Dumas, Boussingault, Bunsen, Regnault et Reiset — sur l’air des plaines, des montagnes, des sommets glacés, des hautes régions de l’atmosphère, ont confirmé la conclusion de Cavendish et définitivement établi la loi de la fixité de composition de l’atmosphère.

Mais cette loi n’est démontrée, absolument parlant, que pour la durée d’un siècle environ, c’est-à-dire pour le temps qui s’est écoulé depuis que l’on fait des analyses précises. On est convenu cependant de lui accorder une extension, en quelque sorte indéfinie. Et cela, parce que, s’étant livrés à l’étude attentive des causes qui tendent à accroître ou à diminuer la proportion de chacun des élémens de l’air, les chimistes ont cru établir qu’elles se compensaient exactement. La fixité serait donc fondée non pas sur une immutabilité qui répugne à la nature, mais sur une loi de variation qui, non seulement, maintient l’équilibre mobile de cette composition à l’époque actuelle, mais qui l’a maintenu dans le passé et le maintiendra dans un lointain avenir. Toutefois, il doit être entendu que ce passé et cet avenir n’excèdent pas la limite des temps géologiques actuels.

Si l’on réfléchit, par exemple, aux origines de l’oxygène atmosphérique, on se trouve en présence de deux hypothèses contraires. La première consiste à admettre que l’oxygène de l’air est le résidu de celui qui existait déjà à l’état libre, à l’époque où la terre était encore une masse de fluide incandescente. L’énorme température du milieu maintenait alors tous les élémens dissociés. Lorsque, plus tard, le refroidissement relatif du globe eut permis à l’oxygène de se combiner entièrement aux corps éminemment oxydables qui formaient le noyau terrestre, il fallut qu’une circonstance particulière intervint pour soustraire à l’avidité de ces corps, et parmi eux du fer qui en est le plus abondant, la petite partie d’oxygène qui depuis ce temps a existé dans l’atmosphère. Cette cause préservatrice, on peut en