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à 470 millions de tonnes) ; le dégagement de gaz par les volcans ; c’est enfin une source pour ainsi dire inépuisable, dont le fonctionnement n’a été bien étudié que dans ces dernières années. Il s’agit des eaux de la mer qui contiennent à l’état de bicarbonate de chaux d’immenses réserves de gaz que M. Schlœsing a évaluées à dix fois environ la quantité totale contenue dans l’atmosphère.

On peut concevoir que la compensation s’établisse entre les gains et les pertes. Mais ces vagues indications ne suffisent pourtant pas à faire comprendre que cette compensation soit si parfaite, et la balance si exacte. Il fallait une sorte de mécanisme régulateur agissant automatiquement, qui établît cette rigoureuse correspondance des profits et des pertes. On en soupçonnait l’existence. M. Schlœsing nous l’a fait connaître. Il est constitué précisément par l’acide carbonique emmagasiné dans les eaux douces et surtout dans les eaux de la mer à l’état de bicarbonate de chaux. Lorsque l’acide carbonique tend à diminuer dans l’atmosphère, le bicarbonate se dissocie en carbonate qui se dépose et acide carbonique qui se dégage. Inversement, si le gaz est en excès, sa pression dépassant la tension de dissociation, une partie rentre en combinaison avec le carbonate et régénère le bicarbonate jusqu’à ce que l’excès ait disparu. Ce jeu de bascule réglé par les lois de la dissociation, assure la constance à peu près parfaite du taux de l’acide carbonique.

Mais, là encore, il faut bien remarquer qu’il s’agit d’un équilibre relatif aux circonstances actuelles et qui cesse d’être vrai si l’on envisage l’extrême passé ou l’extrême avenir.

Il n’est pas douteux qu’à l’origine l’atmosphère a contenu d’énormes quantités d’acide carbonique. L’écorce terrestre recèle des gisemens extrêmement puissans de calcaires, c’est-à-dire de carbonates de chaux et de magnésie ; tout cet acide carbonique aujourd’hui combiné était, à l’époque de l’incandescence du globe, à l’état de liberté dans l’atmosphère ; les carbonates, en effet, ne peuvent subsister, aux hautes températures, en présence de la silice, qui constitue une seconde catégorie de roches aussi abondante que la précédente dans les assises terrestres. Dans ce conflit des deux acides, à chaud, l’acide carbonique est vaincu et chassé des carbonates.

A mesure que le globe terrestre s’est refroidi, les choses ont pris une autre face, et l’acide carbonique primitivement libre a été successivement soutiré, combiné et immobilisé dans les roches