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morceaux. Insistant en outre sur les difficultés que rencontrerait le Saint-Siège lui-même pour défendre efficacement les missionnaires dans toute l’étendue de l’empire chinois, M. Lefebvre de Béhaine opposa nettement le veto du gouvernement de la République au dessein que les Anglais et les Allemands avaient su inspirer à Pékin et faire accueillir au Vatican. Le pape céda ; il fit imprimer et envoyer aux évêques français une brochure où il expliquait pourquoi, malgré son vif déplaisir et malgré l’avantage qu’il avait espéré pour la foi catholique de la création d’une nouvelle nonciature, il daignait condescendre au vœu de la « fille aînée de l’Eglise. » Mais les mots « après la suspension » qu’on lisait en tête de cet opuscule, indiquaient assez que le Saint-Siège ne renonçait pas formellement et pour toujours à son projet : il en ajournait seulement la réalisation. Dès 1891, Mgr Anzer, inspiré par la chancellerie berlinoise, tenta de reprendre avec Mgr Agliardi, nonce à Munich, des pourparlers sur le même objet, Aujourd’hui encore, — l’Osservatore cattolico, bien informé des choses du Vatican, le remarquait récemment, — la menace de l’envoi d’un délégué apostolique à Pékin reste suspendue, comme pour inciter le gouvernement français à ne se relâcher jamais dans l’exercice vigilant de son protectorat.

Ces incidens amenèrent, dans le courant de 1887, Mgr Anzer au Vatican. Malgré les suggestions de M. de Brandt, le vicaire apostolique du Chan-toung méridional n’avait alors, — il s’en expliquait sans détours à Rome, — aucunement l’intention de soustraire sa province à la juridiction protectrice de la France. Mais, d’Italie, Mgr Anzer partit pour l’Allemagne. C’était l’époque où de hardis explorateurs allemands, les Wissmann, les Wolf, rendaient un hommage éclatant à l’activité colonisatrice des missionnaires et démontraient la nécessité de s’assurer, dans les contrées lointaines, le concours de ces pionniers intrépides et désintéressés de la civilisation. Le chancelier venait de clore décidément, par la loi de révision de 1887, l’ère du Culturkampf ; un article de cette loi était destiné à favoriser « l’éducation des missionnaires pour le service à l’étranger, » et « la fondation de maisons qui se consacrent à cette œuvre ; » de leur côté, les évêques de l’empire, assemblés en leur réunion annuelle à Fulda, décidaient la création de six établissemens sur le modèle de Steyl. Le pape lui-même, dans sa lettre Jampridem[1] aux

  1. Voir le texte de la loi du 30 avril 1887, et celui de la lettre Jampridem, (6 janvier 1886), dans les documens annexés à l’ouvrage cité ci-dessus, de M. Lefebvre de Béhaine.