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appelait celle des portes ouvertes : elle signifiait naturellement que la Chine tout entière devait rester ouverte aux entreprises de l’Angleterre, comme à celles des autres puissances. Lord Salisbury, dans le très réel libéralisme de son esprit, ne demandait pour son pays aucun privilège. Quoique cette histoire soit d’hier, on a écrit déjà la valeur de nombreux volumes sur la politique des sphères d’influence et sur la politique des portes ouvertes, tantôt pour les opposer l’une à l’autre, tantôt pour prouver qu’elles pouvaient s’accorder, mais surtout pour reprocher à lord Salisbury de n’avoir pas su choisir entre elles, d’être allé de la première à la seconde, puis de la seconde à la première, et finalement d’avoir cumulé les inconvéniens de celle-ci et de celle-là, sans s’être assuré les avantages d’aucune des deux. De la presse, les accusations sont passées dans le parlement. Lord Salisbury, un peu fatigué peut-être et peut-être aussi un peu dédaigneux, n’a pas attendu la fin de la session pour quitter Londres et se rendre à Contrexéville : il a laissé M. Balfour répondre à l’opposition comme il voudrait, ou comme il pourrait. La presse a été sévère pour les déclarations de M. Balfour ; et il faut bien reconnaître, que son langage ondoyant et volontiers évasif n’était pas de nature à satisfaire des esprits très excités, très impatiens, et devenus très exigeans. Il était temps que la session se terminât.

Les principales discussions, dans ses derniers jours, ont porté sur les concessions de chemins de fer, et on va voir comment ces questions se rattachent naturellement à celles de la politique des sphères d’influence ou de la politique des portes ouvertes. La Chine est restée obstinément fermée jusqu’à aujourd’hui à toute entreprise de voies ferrées : actuellement il n’y existe que deux petits chemins de fer, celui de Pékin à Tientsin, et celui de Tientsin à Chan-haï-kouan, chemins de fer d’État qui sont, croyons-nous, dirigés par un ingénieur anglais, M. Kinder. Mais, depuis quelque temps, elle a renoncé, de guerre lasse, à se défendre contre l’invasion de l’industrie occidentale, et le Tsong-li-yamen distribue des concessions aussi libéralement que naguère il s’en montrait avare. Ces concessions sont toujours, et par principe, données à un Chinois : seulement, comme le concessionnaire ne dispose ni des moyens matériels, ni des moyens financiers nécessaires pour mettre sa concession en valeur, il s’adresse à des Européens, le plus souvent à un grand syndicat industriel, ou mieux encore à une banque. Un contrat se forme entre les intéressés, mais il doit être accepté par le gouvernement chinois. Il est à peine nécessaire de dire quelle est la nature de ce