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Mgr Anzer demandait pour la première fois ses passeports à Berlin. — Le cardinal Ledochowski, hostile à l’influence française, voulut soumettre à la juridiction du patriarche italien, Mgr Piavi, les Pères blancs de Mgr Lavigerie, établis à Jérusalem et dont l’exterritorialité avait été reconnue par le Saint-Siège. — L’année dernière, la mauvaise volonté du sultan pour les cliens de la France s’est manifestée en plusieurs circonstances. Il persiste à refuser, dans toute l’étendue de l’Empire ottoman, tout caractère officiel et toute valeur juridique aux diplômes de docteurs conférés par les médecins français de l’Université de Beyrouth[1] : nos représentans ont vainement protesté, mais justice ne nous a pas encore été rendue ; cet affront à notre protectorat n’a pas encore été lavé. — Par ordre de la Porte, le gouverneur du Liban a tenté de mettre obstacle à l’élection du patriarche de la nation grecque melchite catholique, amie et protégée de la France, sous prétexte que le synode des évêques, réuni au couvent du Rédempteur, à Djuni, était présidé par un étranger, Mgr Du val, délégué du Saint-Siège. — Tous ces faits, auxquels on en pourrait joindre bien d’autres, peu considérables en eux-mêmes, prennent, juxtaposés, un sens inquiétant ; ils sont l’indice évident d’une conspiration générale contre notre influence ; ils préparent l’éviction de la puissance française de l’Orient. Ils deviennent plus significatifs encore et plus troublans si on les compare aux événemens d’Extrême-Orient, et surtout si on les rapproche du gros incident de l’ambassade turque auprès du Vatican.

L’idée d’accréditer auprès du Souverain Pontife un représentant officiel de la Sublime Porte remonte à une quinzaine d’années : l’opposition de M. Lefebvre de Béhaine l’avait toujours fait écarter. Cette innovation entraînerait en effet la création d’une nonciature à Constantinople où jusqu’ici le Saint-Siège n’entretient qu’une délégation apostolique sans rapports directs avec le gouvernement ottoman. Les affaires qui intéressent la religion cesseraient de passer par l’intermédiaire nécessaire de l’ambassade de France. C’en serait fait de notre protectorat : l’œuvre de tant

  1. L’Université de Beyrouth est ce magnifique établissement fondé par les Jésuites français et où professent 80 Pères et 6 médecins français. « Il n’y a pas une grande ville en France, écrit M. Gustave Larroumet, dont les institutions d’enseignement supérieur soient mieux outillées que celle-ci. » Vers Athènes et Jérusalem, Hachette, 1898.