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touche à la gloire ; mais il ne s’en soucie : il rime pour les musiciens, comme il traduit pour les libraires et chante aux dîners du Vaudeville. Il a de grands besoins d’argent et voit surtout ce que chaque chose rapporte. Pour cela, il n’aime point user son crédit, gardant avec les solliciteurs une froideur glaciale et se tenant strictement à son rôle de plumitif.

Aux fêtes et aux anniversaires, pour les pièces de circonstance qui ne sauraient manquer au théâtre de la Malmaison, il est le poète attitré, comme Desprez à Saint-Leu et, plus tard, Alissan de Chazet à Trianon. Mais il lui incombe à l’ordinaire une mission plus délicate que de fabriquer des bouts-rimés d’adulation ; c’est lui qui, tous les quinze jours, prend les ordres de l’Impératrice sur les états dressés par le secrétaire des dépenses, M. Ballouhey. Ces états comprennent rémunération des mémoires des fournisseurs tels qu’ils sont présentés en demande. L’Impératrice inscrit en regard, de sa main, la décision : le bon à payer, le chiffre quelle consent à payer en réduction, ou l’acompte qu’elle donne : le plus souvent, sauf pour les petites factures, revient le mot ajourné. Au pied, elle met son bon et signe. Avec Ballouhey, très strict pour les comptes, elle aurait peut-être des discussions ; elle n’en saurait avoir avec Deschamps ; aussi a-t-elle retiré le travail direct à Ballouhey.

C’est donc encore Deschamps qui rédige les lettres adressées à Ballouhey pour les gratifications sur la Cassette qui excèdent un certain chiffre et qui ne sont point accordées proprement à des mendians. Ce service de la Cassette et des aumônes diverses est d’ailleurs fort compliqué et demande à être expliqué en détail. N’est-il pas en effet de tradition que « ce sont les bienfaits qu’elle a répandus qui ont fait contracter à Joséphine la plus grande partie de ses dettes, » et quoique déjà l’on ait pris une opinion sur la nature de ces dettes, n’est-il pas nécessaire de compter ce que lui a coûté sa bienfaisance ?

Sur sa Toilette, Joséphine a sans doute prélevé des fonds pour des pensions assignées, soit à des serviteurs anciens ou nouveaux, soit à des élèves entretenus dans les institutions de Madame Campan, de Madame Gay Vernon, de MM. Vigogne et Piorette : mais ces pensions, ces dons et gratifications et les autres objets de dépense qui sont payés sur la Toilette atteignent seulement dans les six années le chiffre total de 516 532 fr. 76 soit 86 000 francs par an ; de plus, la plus grande partie des