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une légumineuse, ou des navets, en cultures dérobées ; l’avantage de ces pratiques est considérable ; j’ai essayé de les préconiser aux environs de Paris, car elles donnent, à très bon compte, un supplément d’engrais ou d’alimens considérable. Les stations qui montreraient l’utilité de ces cultures dérobées rendraient de signalés services.

Il ne s’agit pas seulement de bien cultiver, il faut obtenir de bonnes récoltes, on n’y réussit que par une lutte incessante. Les rongeurs, les insectes, nous livrent une guerre acharnée, et, pour se défendre, il faut connaître les mœurs de ces ennemis et trouver les moyens de les combattre ; ces études sont à peine ébauchées, et ce ne sont pas les naturalistes des facultés des sciences, confinés dans les villes, qui peuvent les poursuivre. Il faut être sur le lieu même du combat, pour accumuler les observations et en déduire les règles à suivre. Combien de millions eussent été épargnés si l’on avait su, dès le début de l’invasion phylloxérique, ce qu’il convenait de faire !

Les cryptogames parasites ne sont pas moins dangereux ; il faut les étudier avec soin, car c’est seulement par des observations répétées qu’on arrivera à se défendre ; certainement, pendant l’année pluvieuse que nous venons de traverser, la rouille qui a couvert de ses taches rouges nos feuilles de blé ; le piétin qui, s’attaquant au bas des tiges, a déterminé la verse, ont exercé une influence néfaste sur nos rendemens. Or, jusqu’à présent, nous subissons les atteintes de ces champignons sans savoir nous en préserver ; il faut y regarder ; nous nous sommes bien débarrassés de la carie du blé ; en cherchant, nous viendrons à bout de la rouille et du piétin.

L’emploi judicieux des eaux d’irrigation peut rendre d’immenses services et élever la prospérité agricole dans une mesure inespérée. J’ai reconnu que des terres sans engrais, mais laissées en jachère, abandonnent aux eaux qui les traversent de 100 à 200 kilos, par hectare, d’azote nitrique, correspondant à 700 ou 1 400 kilos du plus efficace de tous les engrais, du nitrate de soude.

Les fermons nitriques ne travaillent que dans une terre humide ; or, dans les conditions normales, une terre couverte de végétaux est desséchée par les plantes qu’elle porte, et la fermentation nitrique s’arrête. On n’assiste ordinairement à la formation de grandes quantités de nitrate que dans les terres en jachère,