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constant de notre patronage, à la force massive des traités, la force vivante de la tradition. »

C’est lorsque, de nos jours, les convoitises des grandes puissances jalouses ont mis en péril notre protectorat, que, dans les traités et dans les congrès, il a été solennellement confirmé. L’Europe d’une part, la Propagande de l’autre, l’ont reconnu par des actes officiels. Le traité de Paris (1856) fait le départ entre la tutelle des Russes sur les chrétiens orthodoxes et le protectorat de la France sur les catholiques. Au congrès de Berlin (1878), le représentant de la France, M. Waddington, — un protestant, — défendait victorieusement notre patrimoine national en Orient ; il faisait insérer dans le traité une clause « qui consacrait expressément nos privilèges séculaires en matière de protection dans les Lieux Saints et dans les autres contrées de l’empire turc[1]. » Ainsi, ce que la France obtint jadis grâce à ses bons rapports avec les prédécesseurs d’Abd-ul-Hamid, le sultan ne saurait aujourd’hui, pour satisfaire quelque ami plus complaisant, le lui enlever. Notre situation privilégiée est sous la garantie, du droit public européen.

Mais la question du protectorat a deux aspects : l’un politique, l’autre religieux ; et les traités ne nous serviraient de rien si nous n’obtenions en même temps, l’agrément de la Papauté. Que le Saint-Père prescrive à l’immense armée des missionnaires et des religieux qui relèvent de lui de ne plus reconnaître le protectorat français, et de recourir, en cas de besoin, soit à ses nonces, soit aux consuls de leurs nations respectives, et c’en serait fait de nos privilèges : ils continueraient d’être inscrits dans de vains textes, objet d’étude pour les historiens et les juristes ; mais ils ne seraient plus qu’une lettre morte, ils cesseraient d’être une réalité vivante et féconde. C’est donc du pape qu’en réalité dépend l’existence et l’avenir de notre influence, en Orient comme en Chine. — La reconnaissance formelle de notre droit par l’autorité religieuse a été l’œuvre commune de Léon XIII et de la troisième République.

  1. Lettre du Président du conseil à M. Waddington, 13 juillet 1878. Livre jaune. L’article 62 du traité dit : « Les droits acquis à la France sont expressément réservés et il est bien entendu qu’aucune atteinte ne saurait être portée au statu quo dans les Lieux Saints » (d’Avril : Négociations relatives au traité de Berlin, page 473.) Des discussions antérieures et d’une rédaction primitive, il résulte que nos droits sont réservés « dans les Lieux Saints et ailleurs. » En outre, avant même la réunion du Congrès, la France avait formulé cette réserve « que l’Egypte, la Syrie et les Lieux Saints resteraient hors de discussion. »