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premiers temps et qui se sont développés ensuite séparément. Après la chaîne, preuve de l’orthodoxie, vient un bref exposé de la doctrine, une sorte de catéchisme, où il est dit quelles sont les obligations des adeptes. Lorsque ceux-ci sont assez nombreux, réunis dans la zaouïa du saint, qui sera plus tard la maison mère de l’ordre et aura de nombreuses succursales, ils se donnent le nom de khouan ou frères ; le fondateur ou cheikh choisit parmi eux des vicaires, khalifa ou moqaddem, qui administreront les divers groupes de frères, enseigneront dans les zaouïas secondaires, iront prêcher la doctrine au loin et recueillir les offrandes et en un mot seront les lieutenans du grand maître, les pasteurs des communautés et les missionnaires de l’ordre. Pour être admis dans la confrérie, il faut être présenté par un des frères, prononcer des sortes de vœux, parfois passer par certaines épreuves, recevoir des mains d’un moqaddem l’ouerd ou la rose de l’ordre, c’est-à-dire l’indication des devoirs à remplir et une sorte de formule d’admission. Dans certains ordres, les femmes mêmes sont admises, ont des réunions spéciales et aussi des moqaddemat, qui remplissent vis-à-vis des sœurs les mêmes fonctions que les moqaddem vis-à-vis des frères. Les khouan se réunissent pour prier ou discuter les intérêts de la confrérie sous la présidence des moqaddem des diverses localités. Ceux-ci, à des époques déterminées ou sur la convocation du chef, se réunissent à la maison mère en chapitre ou hadra.

Ainsi tout ordre comprend un cheikh ou grand maître, des moqaddem ou vicaires, des khouan ou frères ; quelques-uns ont aussi des rekkas ou messagers, qui vont porter les ordres écrits ou secrets des chefs, des khreddam ou serviteurs, sortes de frères laïques attachés au service des zaouïas. Le cheikh, avant de mourir, désigne son successeur, le plus souvent dans sa famille même ; dans d’autres ordres, ce sont les moqaddem qui l’élisent, dans quelques-uns même la généralité des khouan. L’élection étant le principe de succession, il se trouve que les chefs d’ordre sont le plus souvent soit des hommes vertueux très vénérés, soit des hommes très habiles. Un grand nombre ont été des personnages vraiment éminens. Un homme qui les connaît bien, qui a eu entre les mains de nombreuses correspondances émanées d’eux, porte ce jugement : « En Algérie leur correspondance politique avec l’autorité française est tout à fait remarquable et il est peu de chancelleries européennes qui aient des rédacteurs plus