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d’enthousiasme que les Derkaoua avaient soulevé en faveur de celui qui représentait la guerre sainte. Le père du chef actuel de l’ordre s’est soulevé une fois contre le sultan et nous avons vu que celui-ci fut obligé de lui faire de riches présens ; commandant à des tribus belliqueuses, comme les Ait-Alta et les Brabers, disposant de milliers de khouan fanatiques, ses fils peuvent tout à la fois agiter l’empire et déchaîner la guerre sainte.

Un ordre qui se rapproche beaucoup du précédent, qui procède comme lui de la doctrine chadelienne, est celui des Naceria. Fondé au milieu du XVIIe siècle par Mohamed ben Nacer-ed-Drai, il a surtout ses adeptes dans la vallée de l’Oued Draa, dans celle de l’Oued Sous et dans le Sahara occidental ; quelques fractions de nos tribus algériennes des Laghouat et des Trafi, émigrées dans ces régions après la révolte de 1864, s’y sont affiliées et reçoivent ses moqaddem. La maison mère est à Tamegrout, où l’on vient en pèlerinage du Tafilet, de Maroc, de Mogador, du Sahel ; le chef actuel, connu et vénéré dans tout l’empire, est Sidi-Mohammed-ou-Bou-Beker, un personnage puissant pour qui le sultan montre en toute occasion le plus grand respect.

Tandis que le centre du Maroc et le Tafilet, pays d’origine des sultans actuels, sont remplis des adeptes de l’ordre national de Moulei-Tayeb, tandis que les tribus du Draa et du Sous obéissent à des ordres révolutionnaires comme ceux des Derkaoua et des Naceria, les populations du désert ont embrassé avec ardeur des ordres qui leur promettaient une protection pour leur existence si précaire et si menacée. Les sédentaires, les ksourions ou habitans des ksar, si éprouvés par les incursions des nomades, par l’oppression que ceux-ci font peser sur eux, n’ont d’espoir qu’en l’ordre des Kerzazia ; les voyageurs, commerçans, caravaniers, qui redoutent les agressions des coupeurs de route et des bandits, se réclament de l’ordre des Zianya.

La confrérie des Kerzazia ou Ahammedin, fondée au XVIe siècle par Sidi-Ahmed Mousa, appartient aussi au groupe des ordres Chadelya. Son dikr est peu compliqué, comme il convient à des hommes qui travaillent la terre, qui cultivent les palmiers, et il n’est obligatoire qu’en hiver ; il admet des tempéramens. Un anneau de fer passé dans le chapelet est le signe auquel se reconnaissent les adeptes. Ils affectent de se tenir en dehors des partis locaux ou Çofs, en dehors des querelles politiques. Ils interviennent pour empêcher l’effusion du sang, pour