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tenues, tombe autant de lumière qu’en verse le pâle soleil hivernal. Il ne saurait se « cuisiner » là une œuvre de ténèbres et de mensonge. La commission administrative veille, la commission municipale surveille : qui aurait des soupçons, à leur aspect les verrait s’évanouir :


Tout respire en Esther l’innocence et la paix !


Comment, alors, se peut-il faire que, sur 30 000 ou 40 000 circulaires, bulletins de vote, invitations, convocations, etc., il en revienne un gros paquet, qu’il n’est pas excessif d’évaluer à 1 700 ou 1800, soit un peu plus du seizième ? Faisons la part des fautes, et du copiste qui a relevé la liste électorale, et de celui qui a fait les bandes ou les enveloppes ; la part aussi de la mollesse, de l’indifférence des porteurs, et de la négligence ou de la mauvaise volonté des concierges ; le chiffre tout de même reste élevé, — puisque, d’un collège moyen de 9 000 à 10 000 électeurs, le seizième représente environ 500 voix, une majorité déjà ronde et que tous les élus sont loin d’atteindre.

Si, maintenant, vous plongez au hasard dans ce papier de rebut et que vous y préleviez tout juste cent échantillons, vous trouverez, sur 100 électeurs inscrits que « l’assignation n’a pu toucher, » la proportion suivante : Déménagés hors de la circonscription : 48 ; — Inconnus : 44 ; — Décédés : 8. Et par suite vous aurez, sur vos 9 000 à 10 000 inscrits, 288 déménagés, 264 inconnus, et 48 morts. Je le veux bien, les déménagés sont partis depuis plus ou moins longtemps, les inconnus ne sont peut-être pas ignorés de tout le monde, les morts ont trépassé après la clôture définitive des listes, et à la Mairie, sur le registre qui fait preuve, les morts au moins sont rayés. Oui ! plusieurs sans doute, la plupart si l’on veut, ceux des derniers jours, mais il en échappe ; il y a des citoyens si attachés à l’accomplissement de leur devoir qu’ils vont jusqu’à survivre à eux-mêmes pour le remplir encore ! Il y en a de morts depuis un an, depuis deux ans ; on en a cité un, décédé depuis sept ans ; tous ne votent pas, l’un ou l’autre s’abstient parfois, — il est bien permis aux morts d’être malades ! — mais ils n’en continuent pas moins d’être inscrits, et s’ils revenaient, ou si on les faisait revenir, leur suffrage profiterait au candidat de leur choix autant que le suffrage de celui des vivans qui se croit le plus vivant. Je ne pense pas exagérer en disant que, dans tel arrondissement très populeux de Paris, qui compte à