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distribution de ces nouvelles cartes. » Le rapporteur s’en explique en ces termes : « Au premier tour de scrutin, on a trouvé quelques cartes faisant double emploi, qu’on a jugées suspectes. Au deuxième tour, la municipalité a fait de nouvelles cartes avec un timbre spécial pour éviter les falsifications[1]. » Dans un grand centre industriel de la Loire, le 7 mai au soir, veille du scrutin, 2 400 cartes électorales environ restaient en souffrance au bureau du commissaire central de police, par qui elles étaient ordinairement distribuées. M. A…, élu député, rappelle à ce propos « que, depuis les élections de 1893, 2 000 inscriptions nouvelles avaient été opérées par les maires successifs de R… sur les listes électorales. Beaucoup de ces inscriptions paraissent avoir été défectueuses, en ce sens que certaines ne portaient pas les adresses des inscrits ou portaient des adresses défectueuses ; de plus, il avait fallu, à plusieurs reprises, vérifier les listes pour effacer des noms de décédés, de disparus et de condamnés, ou pour rétablir ensuite certains de ces noms biffés par erreur. » Ainsi peut s’expliquer « l’impossibilité où s’est trouvée la police de découvrir beaucoup de titulaires de cartes qui, malgré les affiches multiples qui annonçaient le lieu et les heures de la distribution, avaient négligé devenir retirer les leurs en se faisant dament reconnaître. » Cependant, un certain nombre de cartes avaient été, par précaution, établies et délivrées en duplicata, et afin de parer à tout empêchement électoral, « la plupart des bureaux de vote n’ont même pas rempli la formalité légale d’exiger l’assistance de deux témoins de la part des électeurs venus sans cartes ; il a suffi que ceux-ci fussent reconnus par le président ou les assesseurs du bureau[2]. »

En résumé, il est infiniment probable que pas mal de gens ont voté qui n’en avaient pas le droit, ou qui, comme les déménagés de Paris ou les condamnés de la Seine-Inférieure, l’avaient et ne devraient peut-être pas l’avoir. L’armée, elle aussi, adonné. Dans l’Aisne, « un nombre assez considérable de militaires » auraient voté. « Il a été impossible au bureau, d’établir exactement le nombre des soldats ayant voté le 8 ou le 22 mai. Quels étaient ceux en congé ? Quels étaient ceux en permission ? Rien, dans l’examen du dossier, n’a mis à même d’établir que les militaires aient voté plutôt pour l’un que pour l’autre des candidats, et qu’ils aient obtenu un congé ou une permission plutôt sur les recommandations de M. B… que sur

  1. Chambre des députés, 7 juillet, p. 1962-1963.
  2. Ibid., 23 juin, p. 1847-1848.