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Il y en a qui émanent du centre, d’autres des droites, d’autres des gauches : aux deux extrémités de la Chambre, monarchistes et socialistes sont d’accord pour trouver qu’il y a à reprendre et à refaire dans notre législation électorale : de même que tous les partis ont également péché, tous également viennent à résipiscence. Voilà donc qui est bien, et l’on ne va pas manquer de faire, entre tant de choses, quelque chose, si le Parlement, dans ce pays, à l’heure où nous sommes, est capable de quoi que ce soit.


V

Seulement, pas de phrases ! Pas de ces mots de six pieds et demi qui ont l’air de s’échapper de la bouteille aux paroles gelées et qui sonnent si lamentablement le faux et le vide. Pas de ces généralités oratoires ou lyriques, dont un illustre écrivain anglais a pu dire que l’abus que nous en avons fait « a singulièrement affaibli l’esprit du peuple français. » Nous payons assez d’impôts pour qu’on ne nous paye pas uniquement de syllabes creuses. Pas de tirades à trémolos sur le suffrage universel, sa dignité, sa sincérité, sa toute-beauté, sa toute-puissance, etc. « Le Suffrage universel, notre maître à tous, » déclament-ils : — Possible, et l’encens fume agréablement ; mais c’est un maître qui a des maîtres. « Le peuple a parlé, la France a exprimé sa volonté. » La France n’a exprimé aucune volonté, et pour le peuple, s’il a parlé, il a dit ce qu’on lui a fait dire, ayant cru ce qu’on lui a fait croire. Et que ne lui a-t-on pas fait croire ? Comment n’être pas confondu de penser qu’en 1898, dans plusieurs arrondissemens français, et même dans quelques circonscriptions parisiennes, on a combattu et battu des candidats rien qu’en les accusant d’être des affameurs, qui avaient fait couler au milieu de l’Atlantique, pour amener la cherté du pain, des navires chargés de blé ? et si ce n’était eux, c’étaient leurs pères, grands