consciences, sont réelles. Donc les qualités sensibles ne sont qu’apparences. D’autres, comme Kant et Herbart, pensent que des êtres mystérieux, dont nous ne pouvons rien connaître, sont seuls réels ; donc les qualités sensibles ne sont qu’apparences. D’autres, à la suite de Hume, pensent même qu’il n’y a rien que ces apparences, et que, si toutes les images qui se succèdent en nous étaient supprimées, il ne resterait que le néant. Il y a donc là comme un élément commun à toutes les philosophies modernes ; et si à l’exemple des « éclectiques » nous regardions comme établie toute opinion sur laquelle les divers penseurs sont d’accord, celle-ci serait au-dessus de toute discussion.
Et pourtant sur quelles raisons si décisives s’appuie-t-on pour formuler un arrêt d’une telle importance et si choquant pour le bon sens ? Il semble qu’on ait dû s’y résoudre sous la contrainte impérieuse de l’évidence. Mais si nous y regardons de près, quelle déception !
Commençons par deux remarques. D’abord notons que les philosophes de l’antiquité, — sauf peut-être Démocrite, — n’ont jamais conçu ainsi le monde sensible. Ceux mêmes qui croient à un monde suprasensible, Platon, par exemple, ne nient pas pour cela l’existence réelle de la couleur, du son, des autres qualités. Ils les regardent comme passagères, non comme illusoires ; ils les subordonnent à une substance permanente, qu’ils conçoivent par la raison ; mais ils n’opposent les qualités à la substance que comme le fugitif au permanent, jamais comme le « subjectif » à l’ « objectif. »
Remarquons ensuite que cette formule : les qualités sensibles sont de pures apparences, ne résulte pas nécessairement de la formule précédente : les qualités sensibles sont des images internes. Quand même l’une nous aurait paru vraie, nous resterions libres de rejeter l’autre. En effet l’image, quoique « interne, » pourrait très bien être une représentation exacte de la réalité ; le mot même, image, semblerait l’indiquer ; on pourrait supposer que notre esprit est une sorte de miroir, et que les reflets qui s’y forment, pour n’être que des reflets, n’en sont pas moins fidèles. Une telle doctrine, quelques difficultés qu’elle soulève d’ailleurs, est loin d’être absurde. Donc l’ « intériorité de la sensation, » fût-elle admissible, ne prouverait pas la fausseté de la sensation. Il faut d’autres argumens.
Un de ceux sur lesquels on s’est appuyé de tous temps est