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SOTILEZA. 497 l’encre de celui que tu pêches : vise ma tête ! hou ! hou ! hou ! Sotileza lui répondit par une œillade où se marquait l’inten- tion de répondre à son désir, mais le calmar sortit de l’eau, jeta son encre, et celle-ci alla s’étaler sur la chemise de Cole qui n’y tenait pas et ne s’était mêlé de rien. — Tu as de la chance! rugit Muergo contrarié. Il n’avait pas fini de parler, qu’il recevait sur le museau toute la liqueur du calmar qu’André venait de pêcher. — Ce n’est pas la même chose, s’écria-t-il en crachant l’encre et sortant le buste du bordage pour laver son visage sur lequel on distinguait à peine les taches noires. C’est dans ces jeux et d’autres que le temps passa jusqu’à plus de midi : la marée descendait, la chaleur était suffocante, et il venait du Sud quelques bouffées d’air tiède qui ridaient à peine la surface de la baie, en même temps que ses eaux prenaient une teinte bleue plus intense. — Déjeunons ! dit soudain André. — Et où donc? demanda oncle Mechelin. — Comme toujours, sous la futaie d’Ambojo. — C’est déjà un peu loin, répliqua le marin. Et ne remarquez- vous pas que le vent du Sud se lève? — Eh bien! dit André, est-ce que nous nous forions de la bile pour si peu ! — C’est pour vous que je le dis, don André, et pour la fillette ; vous mouillerez peut-être un peu vos vêtemens; car pour moi, je ne m’inquiète pas de ces bagatelles dans la baie. Hisse, Cole. Et Cole, aidé de Muergo, hissa de nouveau la voile qui s’agita dans l’air jusqu’à ce que, l’écoute ayant été tirée par André qui saisit aussi la barre, elle restât tendue et immobile; alors la barque commença à glisser lentement, car le vont était faible. Une heure et demie après, on arrivait à la côte. Le vent avait un peu fraîchi, et comme la plage est plane, le ressac s’y faisait sentir à une certaine distance entre le sable découvert et le point où, volontairement, on échoua la barque. Il s’agissait de se dé- chausser pour gagner la terre, si l’on n’avait pas dans les janibos une vigueur suffisante poui’ franchir l’obstacle d’un soûl boml. ou si l’on éprouvait un scrupule à se laisser porter dans les bras du plus fort et du plus hardi. On décida que Cole resterait à garder la harque, pour l’empêcher de s’en aller en dérive. Mechelin, en raison de ses inlirniité’S, consentit à ce que Muergo le chargeât TOME CXLIX. — i898. 32