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présentés dès lors, on peut supposer qu’ils ont été considérés à cette époque comme des accidens passagers et très peu clairs. Quoi qu’il en soit, lorsque Jeanne eut douze ans, ses parens commencèrent à se préoccuper pour elle d’une illustre alliance. Au moment où des négociations officieuses se poursuivaient entre Ferdinand et Maximilien pour le mariage de l’Infant Don Juan avec l’archiduchesse Marguerite, il fut question, subsidiairement et en termes vagues, de l’union éventuelle de Jeanne avec l’archiduc Philippe, fils de l’Empereur. Nous n’indiquons ici ces pourparlers que pour mémoire, car plusieurs années s’écoulèrent sans qu’ils fussent repris. D’une part, la Princesse était trop jeune, et d’un autre côté Ferdinand avait des motifs politiques pour ne point s’engager prématurément avec Maximilien : il recherchait, à cette date, un accord avec Charles VIII au sujet du Roussillon et de la Cerdagne, et n’ignorait pas que la France envisagerait avec défiance une entente aussi marquée entre l’Espagne et la maison d’Autriche : il craignait de compromettre sa campagne diplomatique par l’éclat d’une double alliance avec un souverain hostile à la France et qui persistait à revendiquer la Bourgogne. Tout resta donc en suspens durant les trois ans qui suivirent, et les Rois Catholiques semblèrent s’occuper exclusivement de leur établissement dans le royaume de Grenade dont la conquête récente appelait en effet toute leur sollicitude.

Ce fut seulement en 1495 que la question des deux mariages autrichiens fut traitée sérieusement. Alors l’état des choses s’était modifié : Ferdinand n’avait plus rien à ménager du côté de la France ; Charles VIII entreprenait son expédition d’Italie où il prétendait se substituer dans le royaume de Naples à la dynastie d’Aragon ; le souverain espagnol était en présence d’un ennemi déclaré ; il désirait lui montrer son ressentiment tout en se fortifiant contre une ambition aussi menaçante. Il décida donc d’abord d’entrer dans la ligue formée par Maximilien et les États d’Italie contre Charles VIII, puis de consacrer ces traités par les deux unions jusqu’alors ajournées et indécises. En février 1596, ces arrangemens politiques et matrimoniaux furent simultanément conclus, et tout aussitôt des mesures furent prises pour conduire en Brabant Jeanne à l’archiduc Philippe et amener en Espagne la princesse Marguerite à l’infant héritier des Rois Catholiques.

Philippe, né à Bruges en 1478, passait pour le plus beau prince de l’Europe. On le disait, d’après Pierre Martyr, « sage