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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/587

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les princes, fut particulièrement en péril : au plus fort de la tourmente, un incendie se déclara à bord, et lorsqu’il eut été éteint à grand’peine, le navire était désemparé. On raconte que Philippe et la Reine montrèrent beaucoup de courage, mais ils durent se réfugier sur la côte d’Angleterre, à Falmouth, pour réparer les avaries des bâtimens éprouvés. L’archiduc fut donc obligé de faire prévenir le roi Henri VII de sa présence en lui exprimant le désir courtois de lui rendre visite à Londres.

Le monarque anglais s’empressa d’envoyer complimenter les hôtes illustres que les ouragans amenaient inopinément auprès de lui, et les invita à venir à Windsor où il allait les attendre. Philippe partit le premier et fut reçu avec la plus grande solennité et les démonstrations les plus cordiales. Jeanne arriva quelques jours après, mais ses caprices et son humeur lugubre étonnèrent la Cour et donnèrent lieu aux plus tristes commentaires. Vainement fut-elle comblée de tous les témoignages de tendresse et de sollicitude par sa sœur Catherine, mariée à l’héritier du trône ; rien ne put la distraire de son morne accablement, et sans se préoccuper du mécontentement de son mari non plus que de l’impression qu’elle laisserait en Angleterre, elle se retira brusquement à Falmouth malgré tout ce qu’on put tenter pour la retenir, « n’aimant, disent les correspondances contemporaines, que les appartemens les plus sombres et la solitude. »

Philippe demeura donc seul à Windsor, fort occupé des fêtes données en son honneur et aussi de ses entretiens politiques avec le roi d’Angleterre. Celui-ci aimait assez se mêler des affaires du continent, et de plus désirait obtenir l’extradition du duc de Suffolk, prétendant à la couronne et réfugié en Flandre. De son côté, l’archiduc souhaitait intéresser Henri VII à sa cause, et contrebalancer l’alliance de son beau-frère avec Louis XII par un accord analogue avec le souverain anglais. Il consentit donc à livrer le duc de Suffolk sous la promesse que ce personnage serait bien traité en Angleterre, et il négocia assez étourdiment un mariage entre le vieux roi et sa sœur Marguerite, veuve du prince de Castille. Mais cette fois encore sa diplomatie ne fut pas heureuse : Henri VII donna de bonnes paroles, parut entrer dans ses vues, mais ne fit jamais rien pour lui : le projet de mariage demeura dans le vague ; en revanche, le duc de Suffolk fut remis à son rival qui, sans tenir compte de l’engagement qu’il avait pris, le fit enfermer à la Tour de Londres. Philippe n’eut que la honte