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glace que les chevaux, ne pouvaient plus ni monter ni descendre. Les Chinois faisaient des efforts désespérés pour tailler des pas dans la neige et pour gagner du terrain en décrivant des lacets savans. Mais ils n’avançaient guère. Espérons que pourtant ils auront réussi à sortir de ce mauvais pas autrement qu’à l’état de spécimens ostéologiques.

De notre côté, nous n’avions pas été sans subir les effets de l’altitude. Plusieurs d’entre nous avaient éprouvé à un degré très fort les troubles physiologiques qui résultent de la basse pression atmosphérique et que beaucoup de personnes, mieux douées pour la montagne, ne ressentent qu’à un niveau plus élevé. Déjà à cette hauteur, le son de la voix humaine se perçoit à peine, et un coup de fusil ne fait pas plus de bruit qu’un simple claquement de fouet. Notre respiration était accélérée et très pénible. Il nous fallait, surtout lorsque nous étions obligés de franchir de mauvais passages, nous arrêter tous les dix ou douze pas. Des hémorrhagies, soit internes, soit externes, surviennent facilement en pareil cas. Certains éprouvent des vertiges ou des nausées, d’autres sont atteints de syncope. Je fus très incommodé, pour mon compte, par des troubles cardiaques : le sang suintait sous mes ongles, devenus complètement bleus, et l’accélération du cœur, chez moi comme chez plusieurs des hommes, était de deux fois le rythme normal. C’est très péniblement que j’atteignis le sommet du col. Cependant, lorsque j’y fus parvenu, j’y stationnai assez longuement, et je pus y faire, d’une façon complète, mes observations barométriques et autres. La neige, que le vent, très fort, plaquait sur les instrumens, y formait instantanément une croûte de glace. Elle ne rendit pourtant pas mes observations impossibles, mais elle m’empêcha de voir le panorama du Mouz-Tagh, l’un des plus hauts sommets du monde, et celui des magnifiques montagnes qui forment le bord nord-est des plateaux pamiriens. Je devais me dédommager les jours suivans.

On n’est pas d’accord sur l’altitude du col de Terek-Davan. Les cotes données par les cartes russes varient de 12 700 à 13 700 pieds. Mes observations au sommet me donnèrent les chiffres suivans :

Heure : midi 50 minutes ; température : — 15° ; vent : Sud 1/4 S.-E. ; hauteur barométrique : 448mm, 6.

Dans une atmosphère théorique, cette pression indiquerait