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fausse gloire, l’appétit désordonné des richesses, la soif des agrandissemens et des conquêtes. Il faut absolument prévoir les infractions et, s’il faut les prévoir, les réprimer.

Or on ne conçoit pas la répression sans une juridiction répressive. Qui jugera les contrevenans ? Sans doute un tribunal international. Bontham avait déjà, depuis longtemps, demandé l’établissement d’une semblable juridiction. Le comte Kamarowsky, professeur à Moscou, a, de nos jours, repris et longuement développé cette idée dans un bon ouvrage. A vrai dire, il est douteux que toutes les puissances se résignent à ce nouveau démembrement de leur souveraineté. C’est, en effet, pour un État abdiquer une nouvelle part de souveraineté que de se soumettre d’avance et dans tous les cas à une juridiction permanente, alors que l’ensemble du tribunal relève d’un pouvoir extérieur et supérieur : la communauté internationale. Sans doute, ce grand obstacle une fois levé, il ne serait guère plus difficile de constituer un tribunal permanent qu’une commission arbitrale. Mais on aurait déplacé plutôt que supprimé la difficulté : comment faire exécuter les sentences contre les récalcitrans ?

M. de Laveleye avait cru résoudre le problème en proposant de n’attribuer aux sentences qu’une valeur morale. Mais, quand une centaine de jurisconsultes et une douzaine de sociétés savantes auront démontré d’une façon péremptoire la sagesse et l’équité de ces arrêts, en sera-t-on plus avancé ? Les récalcitrans feront réfuter ces démonstrations par des écrivains à leurs gages ou ne se donneront pas même la peine de répondre, et continueront leurs armemens. M. Kamarowsky, sans doute embarrassé par cette objection, ne nous apprend pas comment le tribunal international pourra se faire obéir. Mais Lorimer et M. Pasquale Fiore ne s’arrêtent pas à mi-chemin : il leur semble tout simple de former, avec les contingens des divers États, une armée internationale.

Telle serait donc la préface obligatoire du désarmement : la formation d’une armée très importante. Il ne s’agit pas seulement, en effet, de mettre un frein à l’insubordination des petits États, comme les Pays-Bas ou la Grèce : il faut, au besoin, réduire à l’obéissance de grandes nations comme l’Allemagne, les États-Unis, la Russie elle-même. Mieux vaut se passer de toute milice qu’organiser une milice de parade et la faire broyer au premier choc. Quelque entrave que cette nouvelle dépense puisse apporter « au progrès