Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 149.djvu/726

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

surtout se préparaient dans l’Europe orientale. Nul n’a mieux connu que lui les principautés balkaniques à cette époque ; puis les révolutions belliqueuses qui ont agité l’Autriche, la Hongrie, la Pologne ; puis les affaires allemandes et danoises qui contenaient déjà tous les germes de l’avenir. La Russie, le slavisme en général, les questions religieuses qui s’y rattachaient, étaient aussi l’objet de ses méditations et de ses recherches. Il était un publiciste très distingué avant de devenir un diplomate éminent, et on peut dire un maître, car il est toujours resté tel plutôt qu’il n’est devenu un homme d’action. Longtemps directeur politique au ministère des Affaires étrangères, c’est là surtout qu’il a donné sa mesure. Héritier, de toutes les saines traditions, il les a maintenues avec une grande fermeté d’esprit, et les a laissées intactes à ses successeurs. Simple, bienveillant, prodigieusement laborieux, doué par-dessus tout d’un jugement parfait, on pouvait le consulter comme une encyclopédie vivante de toutes les questions historiques et diplomatiques sans jamais le trouver en défaut. Après les d’Hauterive, les Desage, les Viel-Castel, — nous ne parlons pas de ceux qui sont devenus ministres comme M. Thouvenel, et qui ont eu dès lors un autre rôle, — M. Desprez a laissé un souvenir et un exemple au ministère des Affaires étrangères. Il a terminé sa carrière comme ambassadeur au Vatican, où il a contribué pour sa part à resserrer entre le Saint-Siège et la France des rapports dont ni celle-ci ni celui-là ne peuvent se passer. Les fortes études faites pour la Revue l’avaient préparé aux affaires, dont l’expérience directe avait achevé de le mûrir. Les dernières années de sa vie ont été consacrées à une retraite où il semblait vouloir se laisser oublier, car il sentait sa tâche accomplie et il était trop modeste pour chercher à retenir l’attention. Il n’avait jamais eu d’autre ambition que d’être utile, et jamais ambition n’a été mieux réalisée.

Francis Charmes.
Le Directeur-gérant,
F. Brunetière.