directement ou indirectement, tous les pouvoirs ne sont pas conférés par le suffrage universel ? Admettons que toutes les fonctions soient au suffrage direct, est-ce une garantie contre toute tyrannie ? N’a-t-on pas vu des peuples déléguer leur souveraineté à un despote ? Mettons qu’on ne verra plus rien de pareil, que tous les électeurs seront éclairés, que tous les élus seront sages et honnêtes ; une république collectiviste n’en serait pas moins une immense machine impersonnelle, où l’individu se trouverait pris dans un engrenage sans fin, dont il ne pourrait tenter de se dégager sans se faire broyer. L’Etat collectiviste serait plus tyrannique encore que l’Etat bourgeois, parce qu’il aurait des attributions autrement étendues, et que rien, dans la société, ne lui ferait contrepoids.
LE COLLECTIVISTE. — Pourquoi donc ? L’autorité sociale pourrait être fractionnée ; chaque ville, chaque localité, chaque corps de métier pourrait garder son autonomie. Nous aurions une fédération de communes et de syndicats. La conciliation de la liberté et du collectivisme, le fédéralisme nous la donnerait.
L’ANARCHISTE. — Vous n’y pensez pas ; vous inclinez donc à l’anarchie ! Le collectivisme, pour s’établir et pour se maintenir, serait contraint à une centralisation absolue et absolutiste. Autrement, les diverses régions, les diverses communes, les diverses industries entreraient en conflit les unes avec les autres ; les rivalités locales rétabliraient la concurrence et peut-être la propriété privée ou corporative ; ce serait la guerre universelle, ou si vous aimez mieux, ce serait l’anarchie. Avec le collectivisme, il ne peut y avoir qu’une autorité, comme il ne peut y avoir qu’une propriété, celle de la nation, autrement dit celle de l’État. Il vous faut nationaliser les biens des communes ou la caisse des syndicats, non moins que les propriétés privées. Vous trompez le peuple, ou vous vous trompez vous-même, quand vous lancez des formules comme la Mine aux mineurs, la Terre aux paysans, l’Usine aux ouvriers ! Mensonge ou équivoque. Mines, terres, usines, tout sera nationalisé ; le collectivisme ne souffre pas plus de propriété corporative que de propriété individuelle. Tous les instrumens de travail devant être à la nation, ni mineurs, ni paysans, ni ouvriers ne posséderont rien en propre. Le vigneron ne sera pas plus propriétaire de sa vigne que le tisserand de son métier. Ouvriers et paysans ne seront que des employés de la terre ou de l’usine ; et, au rebours de vos promesses, ce seront