vos rêves, la Jérusalem socialiste dont vous faites miroiter les splendeurs aux yeux des simples, sur quels fondemens comptez-vous donc la bâtir ? Sur une poussière mobile d’atomes humains. En vérité, c’est de l’aberration.
LE COLLECTIVISTE. — Quelle inconséquence voyez-vous là ? la décomposition du présent est la condition du renouvellement prochain. Il est vrai, nous sommes des démolisseurs ; mais sur quoi portent nos coups ? sur des institutions surannées qui encombrent, inutilement, le sol de leurs débris. Contesterez-vous que la société bourgeoise est en train de se désagréger ? Les racines mêmes du vieil arbre sont rongées par un phylloxéra qui est, peut-être bien, l’individualisme anarchique. La société ancienne se meurt ; elle n’est, déjà, plus guère qu’un corps sans vie ; les idées, les croyances qui en étaient comme l’âme, ou le principe vital, s’évaporent, une à une. Elle ressemble à un cadavre dont les élémens se dissolvent. De là, le triomphe apparent de l’individualisme. Ce n’est que le signe de la dissolution sociale. Que faire, devant cette société, déjà en putréfaction, qui se décompose avant même d’avoir achevé de mourir ? Faire durer le présent, prolonger l’agonie de ce monde qui expire ? Cela ne peut entrer que dans la cervelle des poltrons de bourgeois qui redoutent la crise suprême, craignant de périr, eux et leur fortune, avec ce qu’ils appellent l’ordre social. Faire revivre le passé, rendre, à cette société usée et décrépite, la vie et la santé, en la ramenant à ses principes anciens ? la retremper dans la foi et dans les croyances qui ont fait sa force autrefois ? C’est le rêve des vieilles Eglises et des bonnes âmes qui croient en Dieu et aux miracles. Laissons-leur cette pieuse illusion. On ne fait pas plus revivre le passé qu’on ne ressuscite les morts, et nous ne sommes pas de ceux qui ont peur des revenans. Reste un seul parti : préparer, virilement, l’avenir ; rejeter ce qui est caduc ; aider la gestation de la vie en travail. C’est ce que font les socialistes. Sans eux, vous avez raison, la société actuelle aurait pour héritière l’anarchie. La décomposition serait sans arrêt et sans remède. Heureusement que le collectivisme est là pour refaire une société. Nous opérons à la façon des chimistes qui dissolvent un corps pour en reformer un autre, selon la loi des affinités naturelles. Aux institutions que nous sommes en train de détruire, nous en substituons de meilleures ; les liens sociaux que nous ne craignons pas de trancher, nous les remplaçons par de plus légers et de plus solides à la fois. C’est ainsi qu’au