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jusqu’au 13e degré. Mais les Anglais ne purent procéder immédiatement à l’occupation effective des pays que venait de leur ouvrir Fergusson. Entre ces pays et le littoral s’étendait le royaume des Achantis, et ces derniers s’opposaient au passage de toute expédition militaire anglaise vers l’intérieur. Le royaume des Achantis fut détruit, et l’obstacle brisé, mais quand les colonnes anglaises s’avancèrent vers le nord, elles trouvèrent le Mossi et le Gourounsi occupés par nos troupes. Elles durent s’arrêter entre le 10e et le 11e parallèle et se contenter d’occuper Bouna, sur la rive droite de la Volta.

Plus vive encore fut la lutte du côté de Lagos. Non seulement les Anglais, mais encore les Allemands du Togo y prirent part. Il s’agissait de savoir laquelle des trois puissances rivales mettrait la main la première sur le Borgou et le Gourma. Vers le milieu de 1894, le commandant Decœur était parti avec la mission d’établir notre protectorat sur ces deux pays. Prévenus, les Allemands envoyèrent à destination du Gourma le Dr Grüner, tandis que les Anglais faisaient partir à destination de Borgou le capitaine Lugard. Alors commença entre les trois compétiteurs une course homérique. Devancé à Nikki, capitale du Borgou, par le capitaine Lugard, à Pama et à Kangatchari, localités importantes de Gourma, par le Dr Grimer, le commandant Decœur entra le premier à Fadan’-Gourma, au cœur de ce pays, et à Saï, sur le moyen Niger. Ces diverses missions eurent d’ailleurs pour résultat de compliquer un état de choses déjà fort embrouillé. Dans un pays où le nègre est ignorant et craintif, où la situation politique est mal définie, où l’on ne sait où commence et où finit la souveraineté, chefs et sujets étant unis entre eux par des liens fort lâches et étant presque toujours en guerre, chaque chef local, à l’arrivée de l’Européen, avait signé ce qu’on lui avait présenté sans se douter de ce que le papier contenait et sans se demander si l’engagement qu’on lui faisait prendre était en contradiction avec des engagemens antérieurs ou pouvait léser les droits du voisin. C’est ainsi qu’à Sansonné-Mango, le chef du pays signa, à quelques mois d’intervalle, trois traités de protectorat, s’annulant les uns les autres : le premier avec Fergusson, le second avec la mission Grüner, le troisième avec une mission française ; qu’au Gourma, on ne s’entendit pas sur le souverain réel du pays ; qu’à Nikki, le capitaine Lugard prétendit avoir traité avec Warnkura, fils d’Absulama, roi de Nikki, autorisé par son père, tandis que le commandant Decœur soutenait