Que cette solution n’ait pas été du goût des partisans de la politique coloniale en Allemagne, il n’y a là rien qui puisse nous surprendre. Ces derniers avaient espéré obtenir tout ou partie du Gourma et donner pour frontière à leur colonie le Niger moyen. Leur déception fut d’autant plus grande que le gouvernement allemand, en renonçant au cours du fleuve, ne se conforma pas, en la circonstance, à l’idée générale qui avait dirigé jusqu’alors sa politique coloniale en Afrique, au Cameroun, à Angra-Pequena, et sur le littoral de Zanzibar.
Ces divers points de la côte africaine sont dépourvus de ports ; ils n’ont aucune voie fluviale navigable qui ouvre au loin l’accès de l’intérieur. Le Togo est dans le même cas. En s’établissant sur ces rives déshéritées, l’Allemagne entendait par-là surtout s’ouvrir un chemin vers les grands fleuves du centre de l’Afrique, s’installer à côté des puissances déjà maîtresses d’une partie de leur cours et acquérir ainsi le droit de faire entendre sa voix dans le règlement des questions africaines, commerciales ou autres. C’est ainsi que, par le littoral de l’Afrique orientale, elle a gagné les grands lacs Victoria, Tanganyka et Nyassa, ainsi que les sources du Nil et du Congo ; que, par Angra-Pequeña, elle s’est étendue jusqu’au fleuve Orange et au Zambèze ; que, par le Cameroun, elle a réussi à toucher aux rives de la haute Sangha, du Chari et de la Bénoué. En plantant son pavillon au Togo, l’Allemagne avait visé le cours du Niger, et les chauvins de la politique coloniale comptaient bien voir ce plan réussir pour le Togo comme il avait déjà réussi pour les autres colonies. Mais le gouvernement allemand savait, par les rapports mêmes de ses explorateurs, que le pays qui s’étend entre le Togo et le Niger est une contrée de médiocre valeur et qui nécessiterait, de par son étendue, des frais d’administration élevés. Ses colonies africaines lui coûtent fort cher et il n’éprouvait pas le besoin de voir ses dépenses encore augmentées. D’ailleurs, la liberté de navigation du Niger, proclamée à la Conférence de Berlin, et longtemps restée lettre morte, va devenir une réalité ; les négocians allemands sont assez avisés et assez entreprenans pour faire tourner cette liberté à leur profit, et le gouvernement a montré qu’il savait défendre leurs intérêts sans qu’un établissement sur le Niger lui fût pour cela nécessaire. Dans ces conditions, la colonie du Togo peut rester, sans grand détriment, une station de ravitaillement, un point de relâche sur la route du