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eux. Mrs Masson, notamment, la mère d’Hubert, est une figure d’un relief superbe ; et Hubert lui-même est un beau type de jeune loup, incapable de refréner les instincts qui le poussent.

C’est lui qui, en affolant Laura par sa brutalité, la jette toute tremblante dans les bras d’Helbeck. La jeune fille est allée le voir, dans une ville, voisine de Bannisdale, où il a consenti à prendre un emploi. Elle a passé la journée avec lui, une longue journée pleine d’incidens dramatiques ; et, le soir, quand elle est remontée en wagon pour rentrer à Bannisdale, elle s’est aperçue que le train qui l’emmenait s’arrêtait à mi-chemin de sa destination. C’est son cousin qui l’a trompée à dessein afin de la garder près de lui jusqu’au lendemain ; et en effet elle le voit sortir d’un autre wagon, lorsque le train s’arrête à la dernière station. Terrifiée, éperdue d’angoisse et de honte, elle parvient cependant à éloigner Hubert, en le priant d’aller retenir une chambre dans une auberge ; et elle s’enfuit ; toute la nuit elle reste cachée derrière un talus. Tout cela nous est raconté par Mrs Ward en quelques pages fiévreuses et rapides, qui suffiraient, à elles seules, pour justifier le succès de son livre. Et nous ne pouvons nous empêcher d’en citer au moins une, celle qui nous fait assister au retour de Laura :


« Helbeck avait passé la nuit dans la prière et la méditation : mais il savait bien, — sa conscience lui reprochait assez haut son péché, — que, cette nuit-là, il avait prié seulement parce qu’il n’avait pu faire rien d’autre, rien qui lui rendît Laura, et le délivrât des craintes qui le tourmentaient.

« A six heures, il sortit de la chapelle. Il avait à prendre son bain, à s’habiller, puis à aller à la ferme pour faire atteler la voiture. Si la jeune fille n’arrivait pas par le premier train, il louerait un cheval à Marsland et irait jusqu’à Braeside.

« Sa chambre, quand il y entra, lui parut étouffante et sans air, malgré la fenêtre entr’ouverte. Instinctivement il alla vers la fenêtre, l’ouvrit toute grande, et s’appuya au rebord, laissant la brise fraîche couler le long de ses membres. Et voici que quelque chose de blanc frappa ses yeux, sous la fenêtre…

« Laura, lentement, souleva la tête. S’était-elle endormie, dans sa fatigue ? Et Helbeck, se penchant sur elle, vit que ses yeux n’étaient pas fermés. Elle le regardait comme jamais encore elle ne l’avait regardé, avec une simplicité triste et pensive, comme si