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LA FÊTE-DIEU À BEAUNE


I

Le moyen âge en vie, se perpétuant dans l’une de ses plus bénignes institutions et célébrant la Fête-Dieu d’après d’antiques usages, un coin de France nous le montre ; on le retrouve à Beaune, dans l’hôpital-palais qui fait l’ornement et la gloire de la petite cité. J’y fus de Dijon par un matin bleu, sous un ciel d’ardent azur, annonçant une journée de Fête-Dieu resplendissante et torride. Dans le train qui nous emmenait, à travers les crus célèbres du Dijonnais et ses horizons de fauves collines, on parla des vins espérés et des promesses de la vigne, beaucoup plus que de Nicolas Rolin, chancelier de Bourgogne sous le bon duc Philippe, et de Guigone de Salins, sa pieuse épouse ; c’était chez eux pourtant que nous allions. Ils firent construire en 1443 l’hôpital de Beaune ; puis, l’ayant doté, renté, enrichi d’exemptions et de privilèges, ils créèrent une communauté spéciale de religieuses pour soigner ses malades et enracinèrent si fortement leur fondation dans notre sol mouvant qu’après quatre cent cinquante-cinq ans elle subsiste inébranlable, sous la règle qu’ils lui donnèrent, et se gouverne selon leur volonté. A Beaune, nous rencontrerons partout ces morts dominateurs, s’éternisant dans leur œuvre.

Une gare quelconque, un trajet en voiture sur une poudreuse avenue, nous font arriver à la ville. Pour y pénétrer, il faut passer entre de massifs remparts, ébréchés par le temps et dépouillés de leur aspect guerrier, envahis de mousse et de lierre, couronnés d’arbres, transformés en promenade suspendue, qui