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étrangères, le ministre de la Justice, M. Cort van der Linden, et le ministre des Colonies, M. Cremer. Les partis n’ont pas désarmé ; leurs querelles, qui sommeillaient ces jours-ci, se réveilleront. Mais les questions irritantes sur lesquelles ils se livraient bataille au cours des dernières années, la question scolaire, la question militaire, la question électorale, sont réglées, arrangées, écartées ou différées. La jeune reine ne rencontrera pas en elles de difficultés immédiates, mais ce n’est point à dire qu’elle n’en rencontrera nulle part : le métier de roi, même pour les reines de dix-huit ans, est un dur métier, et plus dur qu’il ne le fut jamais, en ce siècle qui finit dans l’angoisse de vagues et obscurs commencemens.

Laissons de côté la première de ces questions, celle que tout le monde prévoit : Qui la Reine choisira-t-elle pour mari ? Sujet de curiosité, plutôt que de sérieuse préoccupation. — Que ce soit en effet, comme le bruit en court avec persistance, le prince Guillaume de Wied, fils de la princesse Marie, petit-fils du prince Frédéric, ou, comme plusieurs le préféreraient, l’un des fils du prince Albert de Prusse, petits-fils de la princesse Marianne, d’abord le mari de la Reine ne sera que prince-consort, et puis lui-même aura du sang des Nassau, et par lui, quel qu’il soit, c’est « Orange qui fleurira. » Là ne saurait donc être l’épreuve redoutable. Non ; cette épreuve dépassera peut-être de beaucoup par ses conséquences des combinaisons matrimoniales et même des combinaisons politiques : en Hollande comme ailleurs, elle sera probablement, non pas dynastique, non pas politique, mais sociale. A cet égard, l’abstention des trois députés socialistes à l’inauguration, le 6 septembre, est un symptôme et un avertissement. Là est le point noir, et de là se lèvera le gros nuage ; mais le ciel changeant de ce pays, de cette terre qui est presque la mer, en a vu passer bien d’autres. La Hollande n’abordera pas l’universel problème dans des conditions plus défavorables que le reste de l’Europe ; au contraire, le sens droit et pratique, l’esprit moyen de conservation et de liberté, l’art de tenir le juste milieu entre l’extrême sagesse et l’extrême hardiesse, qui distinguent à un si haut point le peuple néerlandais, sont autant de gages qu’il en saura trouver, pour ce qui est de lui, une solution acceptable.

Quoi qu’il en soit de l’avenir, et en se renfermant dans le présent, quand on mesure cette force faite de tant de fragilité, comment, du spectacle que nous a offert la Hollande au couronnement de la