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UNE MAISON DE VERRE

De tous les arts, l’architecture est celui dont les évolutions s’accomplissent le plus lentement, et qui semble se prêter avec le moins de souplesse aux transformations qu’entraînent soit les changemens de climats et de mœurs, soit les découvertes de l’industrie.

Non seulement les formes consacrées par la tradition sont souvent conservées alors même qu’elles ne répondent plus aux usages, aux besoins, aux conditions d’existence de générations nouvelles ; mais il arrive aussi qu’elles persistent parfois en dépit des lois absolues, acceptées par tous les architectes, en vertu desquelles les formes, les lignes, l’ossature d’une construction doivent dépendre de la nature des matériaux employés. C’est ainsi, par exemple, que les Grecs ont gardé, dans leurs entablemens denticulaires, l’apparence des solives de leurs primitives constructions de bois, et que le chapiteau corinthien n’est que la traduction en pierre des gracieuses frondaisons de l’arbre qui, au début, jouait le rôle de colonne. De nos jours, ne voyons-nous pas nombre d’architectes se servir du fer, — élément nouveau mis à leur disposition par l’industrie moderne, — sans songer un seul instant à approprier leur méthode constructive et leurs recherches ornementales aux qualités particulières du métal ? Ils consentent à l’utiliser, mais à la condition de le dissimuler honteusement sous des enduits, comme s’ils rougissaient d’accepter sa collaboration, ou bien ils raccompagnent d’un décor emprunté à l’architecture de pierre, insoucieux de commettre de cette façon un monstrueux contresens. Combien de fois, cependant, d’éminens esprits ne se sont-ils pas élevés contre les absurdités d’une pareille routine !