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Il y a au moins quatre ans que l’on a signalé aux architectes les services nouveaux que le verre est appelé à leur rendre. Il peut remplacer le bois, le fer, les matériaux de construction et de décoration ; il peut servir à faire des conduites, des tuyaux, des cuves, des tuiles, des cheminées, et jusqu’à des maisons. Nous avions conçu, dès cette époque, le projet d’une maison de verre[1]. Les murs, disions-nous, seront constitués par une carcasse en fer d’angle sur laquelle on disposera verticalement des dalles en verre, de manière à réaliser une double paroi dans l’intérieur de laquelle on fera circuler l’hiver de l’air chaud, l’été de l’air comprimé, lequel en se détendant refroidira les murs. Les toitures seront en verre grillagé ; et, naturellement en verre aussi les murs d’intérieur, les escaliers, etc. Quant à la résistance de la construction, elle sera au moins comparable à celle des constructions actuelles les plus solides. Les établissemens Arbel, à Douai, vont posséder bientôt de colossales cheminées d’usine en verre. C’est plus léger et moins coûteux que la brique, parce que le verre employé est obtenu avec un produit industriel sans valeur. Ce produit est le laitier, résidu qui s’écoule des hauts fourneaux et dont l’aspect est celui de petits blocs de verre noir. Tous ces blocs sont reliés par un mortier de ciment de composition spéciale. On n’emploiera même pas pour consolider la construction, tant elle sera homogène, les chaînes et les cercles en fer comme avec les briques.

Ce projet d’une maison entièrement construite en verre aurait pu paraître chimérique il y a trois ou quatre ans. A l’heure qu’il est, le problème se présente avec des solutions faciles, tant ont été rapides les progrès de cette industrie qui chaque jour s’élargit et croît en importance. Les résultats obtenus depuis peu par l’invention du céramo-cristal ou pierre de verre vont lui ouvrir encore de plus grands horizons. Cette nouvelle matière n’est autre que du verre dévitrifié, c’est-à-dire amené à un état moléculaire spécial, et dont l’aspect est le même que celui de la pierre de taille, du granit ou du marbre. Les usines de M. Garchey, installées dans diverses parties de la France, et d’autres verreries[2] qui exploitent le brevet de l’inventeur, fournissent déjà au monde entier des quantités de pierres de verre, coulées en blocs ou en plaques de plus ou moins grandes dimensions et qui sont utilisées dans la

  1. Journal des Débats du 16 avril 1894.
  2. J. Henrivaux, le Verre et le Cristal (1 vol. in-8o, nouvelle édit. 1897).