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multiplier les moyens de mouler le verre, comme on peut le faire notamment par le procédé du sculpteur Ringel, ou par les méthodes Boucher pour le soufflage-moulage des bouteilles pour ainsi dire automatique[1].

Nous avons déjà fait allusion plus haut au système de M. Ringel d’Illzach, qui a exposé au dernier Salon quelques curieuses pièces de verre, médailles et médaillons, d’une exécution fort curieuse. En combinant son procédé avec d’autres moyens mécaniques, on arrivera très probablement au moulage des verres en creux, c’est-à-dire de la statuaire ronde-bosse, et on devine la révolution qui en résulterait pour l’industrie ! Le verre devenant, pour ainsi parler, le collaborateur direct de nos artistes, et se substituant à l’occasion soit au bronze, soit au marbre ou à la terre cuite, pour traduire les œuvres des sculpteurs ! Le verre prêtant à ceux-ci ses effets de transparence, de coloration chaude et vibrante, pour exprimer la vie et ajouter les élémens qui lui sont propres aux ressources plastiques jusqu’ici en usage ! Le verre transformé en serviteur docile de l’art, pouvant être moulé comme un plâtre et se revêtir de toutes les nuances d’une palette somptueuse, sans que la délicatesse de l’œuvre et les finesses du modelé soient altérées à la cuisson, il y a là, en vérité, un horizon si éblouissant ouvert à l’imagination que les savans doivent se hâter de transformer ce rêve en réalité[2] !

Il faut reconnaître, d’ailleurs, que depuis vingt ans, nous assistons au plus remarquable effort de la part des artistes — et surtout des artistes français, il n’est que juste de le dire — pour rehausser la fabrication du verre de tous les prestiges de l’imagination et du goût. Non seulement la recherche des formes pour des objets sans nombre, tels que vases, coupes, plats, etc., mais encore celle des colorations les plus rares, les plus précieuses, a fait éclore quantité d’œuvres charmantes, d’une originalité incontestable, et dont les mérites, au point de vue de l’exécution, ne le cèdent en rien aux chefs-d’œuvre les plus admirés du passé. Entre tous ces verriers, de talens divers, se distingue M. Emile Gallé, le maître de Nancy, véritable chef d’école, qui surtout depuis l’année 1884 n’a pas cessé de faire preuve d’une fertilité

  1. Ce mode de soufflage automatique va créer une situation nouvelle au point de vue de cette main-d’œuvre spéciale et difficile des verriers à bouteilles. Voir l’article : Chez les verriers, par M. Maurice Talmeyr, dans la Revue du 1er février 1898.
  2. L’électricité, elle aussi, a développé les applications du verre. (Conférence faite par M. E. Sartiaux à la Société des Ingénieurs civils, en 1896.)