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d’obtenir de la Propagande ce que Mgr Keane et Mgr Ireland ont appelé, d’un mot assez heureux, « l’établissement en Amérique d’une Allemagne à demeure. » Les Allemands d’Allemagne, toujours attentifs, et toujours, jusque par-delà les mers, passionnément intéressés aux moindres progrès de leurs compatriotes, favorisèrent de leur mieux l’entreprise. Et trois ans plus tard, on 1890, un député allemand, M. Cahensly, président ou secrétaire général de l’Œuvre de l’Archange saint Raphaël, qui est une œuvre de protection des émigrans allemands, demandait au Pape « des évêques nationaux » pour chacune des nationalités qui composaient le corps du catholicisme américain : il parlait d’ « évêques nationaux, » et non plus seulement d’évêques allemands, parce qu’avec le concours de son gouvernement, il s’était assuré celui de l’Autriche et de l’Italie. L’une des grandes raisons qu’il alléguait à l’appui de sa demande, et qu’il croyait propre, parmi beaucoup d’autres, à émouvoir la sollicitude et l’attention du Saint-Père était celle-ci, qu’avec une autre organisation de l’Église catholique aux États-Unis, — et il donnait des chiffres plus ou moins authentiques, — les fidèles, au lieu de 10 millions, auraient dû être 26 millions.

Si les catholiques d’Amérique devraient être 26 millions, je l’ignore. Mais, que ce morcellement de l’Église catholique d’Amérique en Églises nationales, — irlandaises, allemandes, anglaises, françaises, autrichiennes, italiennes, polonaises et grecques, — dût servir les intérêts généraux du catholicisme aux États-Unis, le Saint-Père ne l’a pas pensé, puisqu’il n’y a pas consenti. En tout cas, c’était le coup presque le plus sensible qu’on pût porter à l’Église d’Amérique, au lendemain même du jour où le troisième concile plénier de Baltimore semblait en avoir achevé de fixer l’organisation. On l’avait longtemps accusée, nous l’avons dit, de ne pas être elle-même « nationale ; » et, comme ayant son centre à Rome, de ne pouvoir même jamais le devenir. La pétition des catholiques allemands venait donner un nouveau poids à cette accusation. Au sein de la république américaine, et précisément en tant que catholiques, les Allemands prétendaient garder et perpétuer, comme en pays conquis, non pas seulement leurs habitudes ou leurs mœurs, mais leur langue et leur nationalité d’origine. On les voyait même combattre avec violence tout ce que tentaient les « Américanistes » en faveur de l’œuvre nationale, s’il en fut une en Amérique, de la multiplication des