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trésors de la terre n’ont rien que de méprisable, are but dross, et bien loin de vouloir le garder pour moi seul, je ne demanderais qu’à le partager avec d’autres, et d’autant qu’en les enrichissant je ne m’appauvrirais pas. Mais si nous ne pouvons nous accorder sur les matières de foi, ainsi que vient de le dire l’archevêque de Chicago, je rends grâces à Dieu qu’il y ait du moins un terrain sur lequel nous pouvons tous nous rencontrer ou nous entendre : c’est celui de la charité, de l’humanité et de la bienfaisance. It is the platform of charity, of humanity and of benevolence[1]. » Il était difficile, on le voit, d’écarter plus habilement, d’un Congrès des religions, toute idée de controverse et même toute question proprement religieuse.

Les évêques d’Amérique ont-ils eu d’autres raisons encore de prendre part au Congrès des religions ? Savaient-ils, peut-être, quand ils ont accepté l’invitation des organisateurs du Congrès, que le Sultan, comme chef de l’islamisme ; que M. Pobedonostseff, le procureur général du Saint-Synode, au nom de l’Église orthodoxe ; que l’archevêque de Cantorbéry, au nom de l’Église anglicane ; qu’une des Églises presbytériennes elle-même de Chicago, la propre Église du pasteur Barrows, que le synode général des Églises presbytériennes d’Amérique, y avaient répondu par une fin de non-recevoir[2] ? et ont-ils cédé à la tentation de se montrer plus libéraux que ceux qui les accusent volontiers d’ « intolérance » et de « fanatisme ? » Ou bien encore, ont-ils voulu donner une preuve de l’intérêt que l’Église catholique des États-Unis, comme telle, prenait à l’œuvre américaine et « nationale » de l’Exposition de Chicago ? Mais ils obéissaient plutôt au sentiment qu’un autre Anglo-Saxon, celui qui fut le cardinal Newman, — dans un sermon intitulé Prospects of the Catholic Missioner, — a si bien exprimé : « Si nous ne réussissons pas auprès des hommes instruits, nous réussirons auprès des ignorans ; si nous ne parvenons pas à convaincre les hommes sérieux et respectables, nous convaincrons les hommes insoucians et légers ; si nous ne convertissons pas ceux qui se trouvent près de l’Église, nous convertirons ceux qui en sont éloignés[3]. » Et, sur la foi de ces paroles ardentes, s’ils ont cru que leur seule présence dissiperait plus d’un

  1. The Parliament of Religions and religions Congresses al the World’s Columbian Exposition ; Chicago et New-York, 1894, Tennyson Neely, p. 45, 46.
  2. Voyez le Congrès des Religions à Chicago en 1893, par G. Bonet-Maury ; Paris, 1895, Hachette.
  3. Newman, Discourses addressed to Mixed Congregations, traduits en français sous le titre de Conférences adressées aux Protestans et aux Catholiques ; Paris, 1853, Sagnier et Bray.