Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/233

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




29 octobre.


Les Chambres se sont réunies le mardi 25 octobre, à deux heures de l’après-midi : à sept heures, le ministère Brisson avait vécu. La rapidité de sa chute a déjoué tous les calculs. Malgré les fautes qu’il avait multipliées au cours de sa brève carrière, et qu’il avait accumulées dans ces derniers temps, on ne s’attendait généralement pas à une solution aussi rapide, et peu de personnes la désiraient. On aurait préféré avoir quelques jours pour procéder à l’inventaire de la succession avant de l’ouvrir : sentiment assez naturel, surtout avec une Chambre que personne ne connaît et qui peut-être ne se connaît pas elle-même. Il n’y a rien de plus artificiel que le classement des partis au sortir des élections, et les circonstances actuelles sont plutôt de nature à y ajouter de la confusion qu’à y mettre de l’ordre. Mais une autre préoccupation, sur laquelle nous aurons à revenir dans un moment, rendait plus inopportune encore une solution prématurée et improvisée. On sait qu’une très grave controverse est pendante entre le gouvernement anglais et le nôtre. Un vieux proverbe dit que ce n’est pas au milieu du gué qu’il faut changer de chevaux. Les groupes, dans leurs réunions avant l’ouverture de la session, avaient paru tenir un certain compte de ces circonstances. Il y avait, chez les plus raisonnables d’entre eux, une tendance marquée à prendre attitude pour un avenir prochain, mais à ne pas précipiter les solutions. Le malheur est qu’on avait affaire à un attelage si mal assorti que la main la plus ferme et la plus adroite aurait à peine suffi à en modérer les mouvemens. Où était cette main ? On ne l’a même pas cherchée : tout le monde savait parfaitement qu’elle n’existait pas.

Le ministère aurait pourtant pu se sauver. S’il n’y avait nulle part de la bonne volonté pour lui, il n’y en avait d’irréductiblement mauvaise que dans des groupes excentriques, qui, même unis à la droite, ne formaient pas la majorité. Mais le ministère n’a rien fait pour gouverner au milieu de la tempête, et dès les premières atteintes de l’orage il s’est trouvé désemparé. Un passé très court au point de vue de la