d’intérieur qui m’en fit comprendre la funeste portée. Quelques députés et quelques amis qui étaient auprès de moi se disposaient à sortir pour aller aux informations, lorsqu’un assez grand bruit se fit entendre dans la cour et apporta jusqu’à nous un mélange confus de voix retentissantes et agitées : c’était un groupe assez nombreux de personnes se rattachant à divers degrés au service du roi et de la liste civile, qui avait pénétré chez moi en demandant à me voir. Je les fis aussitôt monter, et là j’appris la scène fatale qui venait de se passer. Mais ce qui me frappa le plus, ce furent les violentes imprécations contre la troupe qui se mêlaient aux récits incohérens de ces spectateurs du fait, qui avaient vu tomber autour d’eux un certain nombre des àctimes de la fusillade. « On assassine le peuple, disaient-ils. Il faut que le peuple se défende, si le gouvernement ne le protège énergiquement. » — Je m’efforçai de calmer ces passions des meilleurs, qui ne me donnaient qu’une trop juste idée de celles qui allaient éclater sur tant de points à la fois et y être exploitées au lieu d’être apaisées et contenues. — « Je me rends aux Tuileries, » leur dis-je. — C’était le meilleur mot que je pusse prononcer pour tenir compte de tant d’irritation. Ce mot répondait, d’ailleurs, avant tout à ma propre disposition d’esprit. Je fus saisi, en effet, par la pensée du danger que la scène sanglante du ministère des Affaires étrangères venait ajouter à l’anarchie gouvernementale que j’avais si tristement constatée pendant la journée. Je n’hésitai donc pas à aller porter au roi, de ma propre initiative, les informations et les conseils qu’il ne me demandait pas.
Je trouvai le roi seul dans le salon de la reine au moment où il allait descendre dans son cabinet. Il me parut d’une tranquillité qui m’effraya, malgré l’avis qu’il avait déjà reçu de l’affreux événement du boulevard. Aussi, l’abordai-je vivement, en lui disant, avec cette liberté de langage qu’il me permettait :
« Que faites-vous, Sire ? Ignorez-vous la situation de Paris, les conséquences de la funeste collision dont vous avez déjà dû recevoir la nouvelle ? N’avez-vous donc pas un ministère pour prendre immédiatement les mesures et conjurer un si grand péril ?
— Vous-même, ne savez-vous pas que j’ai chargé Molé de faire un ministère, et qu’il s’en occupe actuellement ? Je croyais que sa première visite avait été pour vous.
— Ne revenons pas, hélas ! Sire, sur ce sujet dans lequel j’ai été trop méconnu et trop peu cru par vous : il s’agit bien de ministère