entassement d’idoles provoque le plus souvent chez moi du dégoût plutôt qu’une impression religieuse. Ce bouddhisme dégénéré est bien différent de celui qui s’est conservé pur à Ceylan et dans certaines sectes japonaises. On ne retrouve de traces du caractère original de cette religion ou du moins de la contrée où elle a pris naissance que dans la ravissante pagode en pierre de Pi-Youen-Sse, et de style purement hindou, où d’exquis bas-reliefs retracent la vie de Çakyamouni et de ses saints, ou dans les sculptures, plus belles encore peut-être, du temple de la Tour jaune.
Le Palais d’été, qui n’était d’ailleurs pas un vrai monument chinois, mais avait été bâti sous la direction des jésuites du XVIIIe siècle dans le genre de Versailles, n’a pas été reconstruit depuis sa destruction par les alliés en 1860, et l’accès de ses ruines demeure interdit ; mais on aperçoit, non loin de là, la résidence estivale de l’impératrice douairière au milieu de superbes jardins. La route qui mène là est fort bien tenue ; du reste, comme l’impératrice allait précisément se rendre dans un temple des environs lorsque je passai par-là, on réparait tous les chemins du voisinage ; des centaines de coolies travaillaient ; des mandarins de rang secondaire ou inférieur à bouton blanc ou à bouton d’or couraient à cheval donner des ordres et surveiller ; les ornières profondes disparaissaient sous le sable fin ; tout cela ne devait durer qu’un jour, mais pendant ce jour les chemins les plus détestables allaient avoir l’apparence de routes en parfait état.
On n’hésite pas en Chine à gaspiller ainsi de l’argent pour des futilités. Afin de détourner une rivière qui aurait gêné l’établissement de jardins, d’un palais impérial, on n’a pas hésité à ruiner des milliers de paysans en inondant leurs champs ; afin de pouvoir célébrer dignement le soixantième anniversaire de l’impératrice douairière, on y a affecté, peu d’années avant la guerre avec le Japon, les fonds destinés à la réorganisation de l’armée du Pet-chili. Tout ce qui ne sert pas à la cour, aux vanités officielles, est négligé. Par tout l’empire les voyageurs constatent ce que j’ai vu aux environs de Pékin, ce que j’ai retrouvé ensuite près de Canton ou de Shanghaï : les routes n’existent plus, les ponts tombent en ruines. Le canal impérial, cette œuvre gigantesque des générations passées, qui s’étendait de Hangtchéou à Tien-tsin, sur plus de 1 500 kilomètres, reliant le fleuve Bleu, le fleuve Jaune et le Peïho, la capitale aux provinces du centre d’où venaient ses approvisionnemens, le canal impérial est entièrement comblé en