comportent trois degrés à la suite de chacun desquels on confère successivement aux candidats heureux des grades désignés couramment par les Européens, par analogie avec nos grades universitaires, sous les noms de bachelier, licencié, docteur. Pour le grade de bachelier, les concours ont lieu dans chaque district (il y a une soixantaine de districts par province) ; pour celui de licencié, dans les dix-huit capitales provinciales ; pour celui de docteur, à Pékin seulement. On jugera du prestige qu’exerce sur la population le titre de lettré si je mentionne qu’au moment où je me trouvais à Shanghaï, à la fin de 1897, 14 000 candidats concouraient à Nankin pour les examens de la licence, où 150 seulement devaient être reçus. C’est un insigne honneur pour une famille que de compter un lettré parmi ses membres, et toute une province est en fête quand un de ses enfans est reçu premier aux examens triennaux du doctorat à Pékin ; lorsqu’un lauréat retourne dans sa ville natale, il est accueilli en grande pompe comme un triomphateur. Il est vrai que sa tâche a été rude et le simple acte de prendre part au concours exige une endurance physique extraordinaire : les candidats passent trois jours, sans sortir un seul instant, dans des loges de quatre pieds sur quatre où il leur est impossible même de se coucher, en tête à tête avec leur pinceau, leur papier et leur bâton d’encre de Chine. Il n’est pas étonnant qu’à chaque examen on soit obligé de relever plusieurs morts.
Ces concours se passent-ils régulièrement ? Il semble, au dire des gens les mieux informés, que la faveur n’y soit pas entièrement étrangère, mais qu’elle n’y joue pas cependant un rôle tout à fait prépondérant. Les fils ou les très proches parens des très hauts fonctionnaires sont à peu près certains d’être reçus ; ce ne sont jamais, toutefois, que quelques unités et, dans l’ensemble, le classement serait fait d’après le mérite. Mais c’est après l’examen que les difficultés commencent pour les gens pauvres et sans appui. Si nul ne peut en effet occuper une place à moins d’avoir passé ses examens, il ne s’ensuit pas que tout candidat heureux en obtienne une nécessairement, et certains ont pu l’attendre toute leur vie. Malgré cela, les hommes qui paraissent vraiment habiles ou remarquables arrivent en général à se caser et voici comment : la plupart des places s’achètent plus ou moins ; voit-on un sujet capable de bien faire son chemin, il se forme un syndicat, une société en commandite, qui lui avance les fonds