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à la réalité, je les engagerais à lire les études spéciales qui ont été publiées à ce sujet, par exemple Le travail des femmes, au XIXe siècle de M. P. Leroy-Beaulieu, ou l’ouvrage, tout récent, de M. Charles Benoist, que l’Académie des sciences morales vient de couronner si justement. En y trouvant décomposés ces navrans budgets d’ouvriers, en y voyant avec quelle difficulté à Paris même, c’est-à-dire dans la ville où les salaires des femmes sont le plus élevés, elles arrivent à mettre en équilibre leurs recettes et leurs dépenses, ils comprendront qu’il ne soit pas absolument facile à ces pauvres femmes d’ajouter à leurs dépenses une cotisation si minime qu’elle soit.

Si donc un moindre nombre de femmes figurent parmi les mutualistes, ce n’est pas qu’elles soient moins prévoyantes que les hommes (étant moins dépensières, elles seraient, au contraire, plus portées à la prévoyance), c’est tout simplement que l’exiguïté de leurs salaires ne leur permet pas d’ajouter à leurs dépenses le paiement d’une cotisation. A un trop grand nombre d’entre elles s’applique la fameuse maxime de Turgot et la non moins fameuse loi d’airain de Lassalle qui réduisent les salaires au minimum absolument nécessaire à la vie ; maxime et loi absolument fausses si on les étend à l’universalité des travailleurs, mais vraies cependant pour une certaine partie d’entre eux, et, en particulier, pour un trop grand nombre de femmes qui sont obligées de s’adonner à des métiers peu lucratifs. Voilà donc du premier coup, dans le monde du travail, une nombreuse catégorie exclue des bienfaits de la mutualité. Voyons maintenant quelle est la situation des femmes auxquelles l’élévation de leurs salaires permet d’y participer.

D’après la législation qui régit les sociétés de secours mutuels, ces sociétés se divisent en sociétés reconnues d’utilité publique (celles-ci en très petit nombre), sociétés approuvées, c’est-à-dire dont les statuts ont été soumis au ministre de l’Intérieur, et enfin sociétés simplement autorisées par le préfet de police à Paris ou les préfets dans les départemens. Ne parlons ici que des sociétés approuvées. Ce sont celles dont les comptes sont les plus minutieusement tenus. Aussi bien ce qu’on en peut dire s’applique-t-il, à d’insignifiantes différences près, aux sociétés simplement autorisées.

Il existe 5 326 sociétés approuvées, composées exclusivement d’hommes, 2 143 sociétés mixtes, composées d’hommes et de femmes, et 227 sociétés composées de femmes seulement. Les