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Luynes. il lui rend compte du voyage et de l’arrivée de la reine mère. Il affirme que Luynes aura tout contentement d’elle, « que la mémoire des choses passées n’a déjà plus lieu en son esprit, » et il ajoute, avec une candeur un peu trop forte, « qu’il n’eût pas cru que si peu de temps l’eût guérie comme elle est. » Cet empressement à rendre des comptes n’est pas sans paraître suspect autour de Marie de Médicis. Car Richelieu, dans une lettre à Déagent qu’emporte le même courrier, dit « que quelques-uns ont fort travaillé contre lui ; » mais « que la confiance de la Reine n’a fait que s’en accroître. »

Luynes et Déagent répondent diligemment. Le 10, Luynes écrit qu’il est très satisfait de voir que « les affaires réussissent selon le désir des gens de bien ! » C’est la formule qu’emploient les deux compères. Déagent est plus prolixe. Il envoie à l’évêque de Luçon « le chiffre que vous me commandâtes de faire à votre départ. » Il conseille à la Reine de parler ferme, en se servant toutefois d’un autre intermédiaire que lui-même. Puis il maintient l’évêque de Luçon dans une utile inquiétude : « Je ne vous tairai point, monsieur, qu’à toutes heures, on a les oreilles battues de ne se point assurer en la personne à laquelle vous savez que j’ai voué tout service (c’est Richelieu), et veut-on persuader qu’elle est du tout portée à caballer. J’essaye, autant qu’il m’est possible, à faire voir la vanité de ces beaux avis, en espérance d’en venir à bout, quels artifices que l’on apporte au contraire, pourvu que vos conseils soient suivis par-delà (c’est-à-dire par la Reine). »

Le 10 encore, Richelieu reprend la plume, et puis le 12, et puis, de deux jours en deux jours, il écrit tantôt à Luynes, tantôt à Déagent, le plus souvent aux deux.

Et ce sont toujours les mêmes protestations, les mêmes engagemens, les mêmes effusions : « A M. de Luynes, le 10 mai. Je vous rends mille grâces des bons offices que, de plus en plus, vous continuez journellement à me départir et particulièrement de la confiance qu’il a plu au Roi me témoigner par votre moyen en agréant l’honneur que la Reine Mère a voulu mu faire, en m’établissant chef de son conseil et en me mettant ses affaires entre les mains. Je me promets faire connaître à tout le monde que je m’acquitterai de cette charge au contentement de Sa Majesté et de tous les gens de bien, en dépit de mes envieux qui ne sont pas en petit nombre… La Reine est fort satisfaite et contente, grâce à Dieu… » A Déagent, le même jour : « Nonobstant mes ennemis