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Page:Revue des Deux Mondes - 1898 - tome 150.djvu/635

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LA JEUNESSE DE LECONTE DE LISLE

tout dire, car les lettres de M. Leconte de l’Isle, même aux heures où elles se feront sévères, témoignent de la plus grande tendresse et d’une faiblesse ancienne pour l’enfant exilé. Ces lettres sont intéressantes à parcourir. Elles marquent, dès le début, les préoccupations les plus vives, les inquiétudes les plus minutieuses. Les moindres détails de la vie de l’étudiant sont l’objet de soucis constantsconstans et de recommandations pressantes. Si les parens du poète ne l’ont jamais compris, — au dire d’un biographe qui reçut les confidences du maître, ils l’ont, du moins, profondément aimé.

« Mon premier désir, écrit M. Leconte de l’Isle, est qu’il habite le quartier le plus aéré et conséquemment le plus sain. Je suis loin de vouloir et de pouvoir lui fournir un logement autre que modeste et propre, mais encore que je ne veuille pas faire une dépense folle, suis-je désireux que sa chambre soit bien propre, bien garnie de tous les meubles nécessaires et commodes, — on se plaît mieux chez soi, quand on est bien logé, — et bien située pour l’air et la vue. Il est peu difficile en nourriture. Quant à la pension, qu’elle soit saine, c’est tout ce qu’il lui faut. Sous ce rapport, il n’est pas sensuel. S’il était possible qu’une personne fût chargée de son linge (celle chez qui il logerait, par exemple), cela serait fort utile pour lui, car nul que je sache ne porta plus loin l’insouciance en pareille matière. »

L’excellent père tient à ce que son fils « soigne son costume ; il se respectera davantage, quand il sera bien mis. Je n’ai pas le désir, écrit-il, qu’il soit un fashionable, mais cependant je serais désolé que sa mise ne fût pas soignée. Veuille, mon ami, y donner la main, sans permettre l’excès contraire qui jusqu’ici n’a jamais été dans ses goûts, mais que je désapprouve autant que la négligence. Qu’il soit donc toujours mis avec goût et propreté. L’homme bien mis[1] se respecte toujours plus que celui qui, en raison de son mauvais maintien, ne craint pas de se mélanger. »

  1. Un article de modes de l’Auxiliaire breton (12 février 1838) nous donne les renseignemens suivans sur la manière d’être bien mis à Rennes. « Redingote-pardessus en drap peloté. La jupe ne dépasse pas le dessous des genoux ; elle n’est pas fendue et l’ampleur par derrière est formée par deux gros plis grevés. La taille est très longue et d’une largeur prodigieuse. Les boutons d’un très grand diamètre ; les paremens, le col et les poches garnis de velours… Le paletot est très bien porté ; les habits à la française sont une fantaisie négligée. Les pantalons ajustés à la botte passent de mode ; on revient aux pantalons droits ; en négligé, on porte encore quelques pantalons à plis. Les chapeaux n’ont pas varié : fonds ballonne avec rebords plus larges devant et derrière que sur les côtés. »