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On ne s’attendait guère à voir là les huguenots. Mais toute flèche est bonne, et le pieux capucin ne peut rester insensible à un langage si humble à la fois et si édifiant. Il sait, d’ailleurs, que les intérêts de l’évêque de Luçon sont vus d’un œil favorable par la cour de Rome. Il escompte d’avance le secours qu’un homme comme Richelieu peut apporter à la cause à laquelle il a consacré sa vie. D’ailleurs, la lettre de l’ami le touche. Il y a, entre ces deux âmes, des affinités dont l’avenir fera le lien le plus fort qui puisse unir de grandes existences. Aussi, dès ce moment, le Père se met à préparer de loin, avec sa patiente ténacité et son expérience consommée des dessous de la politique, l’heure où il pourra donner à l’oreille, au moment opportun, le conseil heureux qui rappellera Richelieu de l’exil et lui ouvrira de nouveau le chemin de la confiance royale.

Mais cette heure, si on peut la pressentir dès maintenant, n’est pas encore sonnée, et Richelieu retombe dans ses tristesses et dans son silence. Il a bien raison quand il écrit qu’il n’a d’autre consolation que ses livres ; car il n’a pas d’autre occupation. Son tempérament actif a dû se renfermer dans son cabinet. Il est vrai que, là encore, il reste un homme d’action et un combattant. Même dans le choix du sujet sur lequel il porte son application, il n’a pu s’arracher à la polémique courante, et en ce moment où il semble se consacrer tout entier à ses devoirs d’évêque, il touche au problème le plus difficile de la politique du temps, et dont la solution absorbera les forces de sa vie tout entière : le problème protestant, ou, pour mieux dire, la coexistence de plusieurs églises dans un État unifié.

C’est encore l’homme d’Etat qui dicte, au moment où le théologien et sorboniste écrit son premier ouvrage de polémique religieuse : Les Principaux points de la Foi de l’Eglise catholique défendus contre l’écrit adressé au Roi par les quatre ministres de Charenton.

En France, toutes nos querelles politiques, depuis quatre siècles, ont un fond de religion. Le Français, logique, idéaliste et autoritaire, n’est satisfait que quand il a rattaché à des idées générales et à un système les raisons qui le font agir, soit passion, soit intérêt, soit même caprice. Or, il trouve un système tout fait dans la doctrine religieuse où il a été nourri ou bien qu’il a choisi lui-même. C’est ainsi que chez nous, la religion fait le parti ou, du moins, l’autorise. Ainsi s’explique également