10 000 ouvriers s’y pressent dans les salles ou dans les couloirs. Le citoyen Perrault préside, ayant comme assesseurs les citoyens Chevalier et André et comme secrétaire le citoyen Réveillon. Plusieurs membres de divers syndicats prennent la parole ; mais on constate que les politiciens et les socialistes du Conseil municipal cherchent à prendre la direction du mouvement. Le député Renou et le conseiller municipal Brard viennent presser le vote d’un ordre du jour préconisant la grève à outrance.
Le même jour, les entrepreneurs de travaux publics se réunissent rue de Lancry, à l’hôtel des Chambres syndicales, et, après une assez vive discussion, les membres, assez peu nombreux, qui sont présens, votent un ordre du jour ainsi conçu :
Les entrepreneurs de travaux publics et de terrassemens, réunis au siège du syndicat, après avoir étudié l’historique et envisagé les conditions de la grève, reconnaissent qu’ils n’ont aucun motif de trouver injustifiées les revendications des grévistes, et déclarent, cette affirmation faite, qu’ils ne demanderaient pas mieux que d’y faire droit, à la condition toutefois que les pouvoirs publics prennent l’initiative de faire la révision des prix qui régissent actuellement les entreprises.
Cette déclaration précise bien à son tour le terrain sur lequel les entrepreneurs entendent se placer et dont ils ne se départiront pas durant toute la durée de la crise. Ils voulaient faire comprendre aux ouvriers qu’en la circonstance, les intérêts des patrons et les leurs étant identiques, ils n’avaient qu’à s’unir pour vaincre la résistance du Conseil municipal, de l’Etat et des compagnies de chemins de fer qui, par leur système d’adjudication et de concurrence sans limites, ne cessaient de provoquer la baisse des prix et de la main-d’œuvre. Mais elle fut mal comprise des ouvriers, et, loin de contribuer à l’apaisement, elle provoqua une grande irritation, dont les socialistes et les meneurs révolutionnaires profitèrent pour faire nommer, le 18 septembre, un comité central de la grève destiné à centraliser le mouvement jusque-là dirigé par les chefs des syndicats intéressés. Ce comité se composait du citoyen Perrault, président ; des citoyens Jaher et André, assesseurs, et des citoyens Chevalier et Robin, secrétaires. À cette occasion on vit paraître à la Bourse du Travail, en dehors des délégués des syndicats, MM. Landrin, conseiller municipal ; Dejeante, député de Belleville ; Faberot, ancien député ; Thomas, maire du Kremlin-Bicêtre, et Karl, du groupe des étudians révolutionnaires.