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par l’Union des Mécaniciens anglais lors de la dernière grève. Cependant l’influence du Conseil municipal et des socialistes fut assez grande pour faire refuser les 800 francs envoyés par M. Paul Déroulède et les 2 000 francs offerts aux démolisseurs et aux charretiers par M. Henri Rochefort.

Le matin du 24, le juge de paix du Xe arrondissement fit afficher à la Bourse du Travail une lettre adressée, conformément à la loi du 27 décembre 1892, aux patrons et aux ouvriers pour les engager à accepter la conciliation. Cette tentative, qui présente un réel intérêt, car elle constitue une des premières applications de la loi sur l’arbitrage, resta sans résultat, les patrons ne s’étant pas considérés comme régulièrement convoqués et n’ayant pas répondu à l’invitation du juge de paix. Le Bureau de la grève envoya au contraire immédiatement la liste des délégués des grévistes. Le 27, le juge de paix leur fit connaître par lettre qu’il considérait sa mission comme terminée par suite du silence des entrepreneurs. Ce même jour, M. Navarre allait voir M. Brisson et obtenait de lui l’approbation du vote du Conseil général. Le 26, le Bureau du Conseil général, convoqué d’urgence, votait à son tour une subvention de 10 000 francs pour les grévistes.

Presque à la même date, se produisait une autre intervention qui mérite d’être signalée, car elle prouve à la fois l’état d’anarchie dans lequel se débat le monde du travail et le besoin d’une représentation légale qui se fait sentir parmi les ouvriers. Depuis plusieurs années déjà, les conseillers prud’hommes cherchent à sortir du rôle modeste que leur assigne la loi pour se poser en représentans élus de la classe des travailleurs, renouvelant ainsi, à leur insu sans doute, la tentative d’usurpation tentée par les parlemens au XVIIIe siècle : ils crurent le moment venu de prendre la direction du conflit, et firent paraître un manifeste au nom de la corporation du bâtiment. Le document nous semble très significatif, et nous croyons devoir en citer quelques passages. Il est adressé aux ouvriers de la corporation du bâtiment par les prud’hommes appartenant à cette corporation. Après avoir constaté que les terrassiers luttent pour l’application de la série officielle de 1882 et affirmé que « le détournement, par les entrepreneurs, d’une partie des salaires, a été opéré avec la tolérance et la complicité du Conseil municipal ; » après avoir rappelé les efforts du Conseil des prud’hommes pour s’opposer à la signature, qui empêche l’application du tarif, il conclut ainsi :