vieille roche. » Que si d’ailleurs on préférait un exemple de Bossuet, il y en a, comme celui-ci, que j’emprunte au VIe Avertissement aux protestans : « Pour voir jusqu’où peut aller le travers d’une tête qui ne sait pas modérer son feu, il faut considérer sur quoi le pasteur se fonde ; » et nous lisons encore, où cela, dans les Sermons, ou dans les traités que Bossuet n’a pas revus ? Non ! mais dans l’Oraison funèbre d’Henriette de France : « C’est en cette sorte que les esprits une fois émus, tombant de ruines en ruines, se sont divisés en tant de sectes. »
Les annotateurs, commentateurs et critiques, un peu embarrassés, se donnent ici beaucoup de peine ; ils s’évertuent pour chercher à Bossuet ou à Corneille des justifications lointaines et subtiles. Mais il n’y en a qu’une qui serve, et ils se tireraient bien plus commodément d’embarras s’ils se souvenaient que, de faire des métaphores qui se suivent, c’est justement un des caractères les moins douteux de la préciosité du style. Et que font, je vous prie, Cathos ou Madelon, quand elles disent à Mascarille : « De grâce, contentez un peu l’envie que ce fauteuil a de vous embrasser ? » Elles suivent leur métaphore, puisqu’on dit très bien « les bras d’un fauteuil. » Pareillement, Trissotin, dans le couplet célèbre :
- Pour cette grande faim qu’à mes yeux on expose,
- Un plat seul de huit vers me semble peu de chose,
- Et je pense qu’ici je ne ferai pas mal
- De joindre à l’épigramme ou bien au madrigal
- Le ragoût d’un sonnet, qui, chez une princesse
- A passé pour avoir quelque délicatesse,
- Il est de sel attique assaisonné partout
- Et vous le trouverez, je crois, d’assez bon goût.
On ne peut mieux suivre encore sa métaphore, ni d’ailleurs être plus ridicule. Lisez là-dessus Mme de Lambert, Fontenelle, Marivaux, Montesquieu lui-même, jusque dans son Esprit des Lois. Il n’y a pas de caractère plus significatif de la préciosité ; et, en tant que la préciosité n’est qu’un vice du langage, rien n’en explique mieux la nature, en même temps que les raisons profondes que Molière a eues de la combattre.
On pourrait dire en un certain sens que nous ne parlons que par métaphore ; et, assurément, de tous les moyens qu’on connaisse d’enrichir une langue, s’il y en a de plus apparens, de plus matériels en quelque sorte, il n’en est pas de plus légitime, ou de plus conforme à l’évolution naturelle du langage que la métaphore.