jaunes toujours, mais dépouillés des ornemens de la grâce militaire, avec leurs grosses guêtres, et leurs blouses ballonnant sur leur large ceinture, et sous l’ampleur de leurs casques énormes, ressemblent à une équipe de scaphandriers amenés pour explorer la Mer-Morte.
Suit à pied une troupe de cinquante à soixante personnes, de ces personnes distinguées et graves qui se croiraient dépouillées de leur dignité si elles apparaissaient en public sans habit et chapeau de ville. Ces hommes sérieux portent au cou un large cordon noir d’où pend une croix émaillée de blanc et de noir. Ce sont des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Ils viennent assister à la consécration du temple protestant que l’empereur inaugurera lundi.
Enfin une procession de voitures vulgaires, où sont tassés des officiers allemands, des fonctionnaires allemands, et, en queue, des hommes qui, n’ayant ni épée ni broderies, mais portant des lunettes d’or, rasés et satisfaits d’eux, doivent être des savans allemands.
C’est tout, et l’on pense : « Quoi ! ce n’est que cela ? » Les touristes allemands eux-mêmes, malgré leur désir de tout admirer, n’ont pas trouvé matière, et leur déconvenue s’est manifestée par leur silence devant ce cortège. Et le spectacle ne devient beau qu’au moment où, le cortège étant passé, la foule s’ébranle, remplit la rue, mêle dans un mouvement doux toutes les teintes de ses costumes, pavoise le chemin par cela seul qu’elle le parcourt ; où, vue de haut, la masse de ces turbans en marche, pareils de forme et opposés de couleur, semble un champ de dahlias sur lesquels passerait une brise.
L’empereur, descendu de cheval, se dirige maintenant vers le Saint-Sépulcre. Il y trouvera un accueil moins solennel encore. Ce n’est pas que, là même, l’Eglise n’ait des honneurs pour les monarques. Mais ces honneurs religieux, symbole de l’union entre l’Etat et l’Eglise, sont réservés par l’autorité ecclésiastique aux princes en unité de croyances avec elle. Or, au Saint-Sépulcre, toutes les sectes chrétiennes ont droit de cité, sauf les protestans. Aucun des rites co-possesseurs de la Basilique ne peut recevoir avec les pompes liturgiques Guillaume II, parce qu’il n’est pas de leur croyance ; et il n’y peut recevoir les hommages de son propre clergé, parce que les rites protestans n’ont pas accès dans la Basilique. L’empereur n’entend être ignoré nulle part : il a