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courtauds. Ce sont M. Cook et son principal associé : et leur présence ne semble naturelle qu’à eux. L’usage n’est pas encore que les machinistes figurent dans le cortège de Lohengrin. Lohengrin suit, entouré plus près encore qu’à l’aller par son escorte ; à sa gauche, chevauchant botte à botte, un cavalier immense, couvre de son corps l’empereur ; à sa droite marchent deux gardes du sultan, sortes de turcos à turban vert. Lui, n’a pas du tout l’air d’un homme qui a peur, mais il a tout à fait l’air d’un homme qui se garde. Il porte comme son escorte le revolver à la ceinture. Derrière le peloton des fidèles qui veillent sur leur seigneur, il n’y a plus de cortège, mais une débandade qui s’allonge sans ordre et sans fin ; à pied ou en voiture, pachas, officiers, savans, chevaliers de Saint-Jean, le patriarche grec, et trois franciscains, se suivent et ne se ressemblent pas. Plus différente encore est une dernière figure de cet étrange défilé. Vous rappelez-vous l’entrée de dame Peluche dans On ne badine pas avec l’amour ? Ainsi doucement balancée sur une mule qu’un enfant tient par la bride, une vieille dame s’avance. Est-il besoin de dire que sa robe est prune ? Un ridicule jaune pend de sa taille sur le flanc de la bête, un chapeau triste et édifiant comme une coiffe emprisonne sa tête vénérable, son honnête visage encadré de cheveux gris semble une figure de bonne conscience : elle s’avance avec une dignité souriante et distribue de tous côtés de petites révérences que les Allemands accueillent par des bravos. C’est la présidente des diaconesses allemandes ; elle déploie ici beaucoup de zèle, et elle s’éloigne plus applaudie que l’empereur.

C’est justice. Le grand acteur a manqué son entrée.

Son échec a eu pour cause un excessif désir d’étonner les hommes. Il n’y a guère, au service des souverains ambitieux de conquérir les imaginations par les yeux, que trois moyens d’imposer : les pompes religieuses, les fêtes militaires et le luxe de cour. La pompe religieuse eût été la plus utile à un monarque préoccupé d’établir un protectorat religieux. Mais la religion se refusait à consacrer son arrivée. La majesté militaire ne lui était pas moins interdite ; il ne pouvait s’entourer de troupes allemandes sur un territoire étranger ; et, quant aux troupes ottomanes, non seulement il n’aurait tiré d’elles qu’un prestige d’emprunt, mais c’eût été trop de demander qu’une fraction importante de ces forces, en escortant l’empereur au Saint-Sépulcre, rendît hommage à la religion chrétienne. Restait la pompe de cour ; mais