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qu’avec le Greco. Mais ce n’est qu’avec Ribera et Velazquez que l’école s’épanouit dans toute sa force. Avec eux, l’art espagnol devient réaliste et puissant. Ce que cherche avant tout don Diego, c’est le caractère et la vérité. Il est réaliste dans la belle acception du mot, il peint la nature comme il la voit et comme elle est. On éprouve en face de ses personnages l’impression que l’on ressent devant des êtres vivans. Velazquez, sans nulle complaisance envers ses modèles, peint tout, même les détails secondaires, d’après son roi, d’après les infantes, d’après les personnages quels qu’ils soient qui posent devant lui et il obtient ainsi, son art impeccable étant donné, des portraits d’un caractère surprenant de grandeur et de réalité, portraits suggestifs et impressionnans, dont les silhouettes mâles et vigoureuses sont gravées dans nos souvenirs en traits ineffaçables. Tels ce petit prince don Balthazar, si hardiment, si fièrement campé sur son genêt d’Espagne galopant, l’écharpe au vent, à travers les bruyères du Pardo, tandis que les sommets nuageux brillent au loin derrière lui, — et l’adorable Infante, la pâle infante aux yeux bleus, debout dans son costume d’apparat, qui tient à la main une rose pâle comme sa frêle personne, peut-on voir un plus heureux assemblage de tons délicats, ces tons gris rosés argentés, ces cheveux d’un blond cendré ? — le portrait du duc d’Olivarès avec son air d’orgueilleuse suffisance ; — les Menines ; — enfin ce merveilleux portrait de Philippe IV, noble et fier. L’admiration de M. de Beruete pour don Diego et sa passion pour son sujet l’ont bien inspiré. Même après les historiens de Velazquez et les savantes études de MM. Carl Justi et Emile Michel, il a pu redresser plus d’une erreur, éclairer certaines parties mal connues de l’œuvre et de la vie de don Diego, tandis que les belles photogravures de MM. Braun et Clément la font passer sous nos yeux.

La plus belle étude que l’on puisse faire du monde oriental et de l’extrême Orient, on la trouvera dans le Voyage en Orient de S. A. I. le Césarevitch[1] (aujourd’hui S. M. Nicolas II), qui, après avoir effectué le périple de l’Asie, parcouru les plus vieilles contrées du monde, et pris contact avec les civilisations des plus anciennes races, est, de Vladivostok, revenu vers l’Europe en troïka par l’interminable route de la Sibérie, qui, sous ses auspices, va s’ouvrir à la civilisation. C’est le récit de ce voyage aux extrémités du continent que continue ce deuxième volume, dont la publication, si attendue, a été retardée par les grands événemens qui se sont accomplis depuis l’apparition du premier.

  1. Voyage en Orient de S. A. I. le Césarevitch, par le prince Oukhtomsky, t. II, traduit par M. Louis Léger, illustré de 122 compositions par M. N.-N. Karazine, 1 vol. in-4o. Delagrave.