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tel congrès des Slaves d’Autriche, où les débats durent avoir lieu en allemand pour être suivis par tous les délégués ? L’existence des patois et dialectes est la conséquence forcée de l’isolement des populations, du manque de relations entre des gens qui n’ont ni les moyens ni le temps de s’écarter de leur village autrement que pour aller de loin en loin au lieu de marché le plus proche. En outre, l’instruction même ne tend pas en Chine comme en Europe à produire l’unité du langage, puisque l’écriture y est indépendante de la prononciation, que les caractères y représentent des idées et non des sons. L’absence même de patriotisme général peut bien provenir aussi pour une large part de cet isolement joint à une profonde ignorance ; le patriotisme étendu atout un pays, tel que les Européens le conçoivent aujourd’hui, est un sentiment d’origine très récente. Ni les différences de langue, ni le manque incontestable de cohésion nationale n’impliquent parmi les Chinois une diversité plus profonde de structure mentale qu’il n’en existe par exemple parmi les Français.

Qu’il y ait ou non communauté d’origine, cela importe peu. La notion de race est fort difficile à définir et les théories modernes d’anthropologie et d’ethnographie vont de plus en plus à l’encontre de l’existence des races pures. Tandis que tous les patois des dix provinces les plus septentrionales ne sont que des dialectes de la « langue mandarine », les parlers méridionaux, surtout ceux du Fokien et de Canton, en diffèrent totalement, et ces divergences, auxquelles il s’en joint d’autres, semblent indiquer que les envahisseurs chinois venus du nord-ouest ont trouvé là des populations distinctes qu’ils se sont assimilées, comme ils le font aujourd’hui en Mandchourie, comme les Romains l’ont fait en Gaule.

Ce qui est certain, c’est que tous les habitans de la Chine, — à l’exception de quelques faibles tribus de montagnards, reste peut-être des autochtones du Sud, — sont coulés depuis bien des siècles, quelle que soit leur origine, dans le moule d’une même civilisation, que ce moule est bien autrement rigide que celui de la culture occidentale, et que cette civilisation est beaucoup plus tyrannique, pénètre beaucoup plus dans tous les détails de l’existence que ne fait la nôtre. Il en résulte une plus grande uniformité chez les hommes qui l’ont adoptée que chez ceux qui se sont soumis à un joug plus lâche, laissant un champ plus libre au développement des variétés individuelles. Bien des traits du caractère chinois nous paraissent contradictoires ; n’est-ce pas, comme