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Page:Revue des Deux Mondes - 1899 - tome 151.djvu/673

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L’apôtre reprit :

— Là… en face de nous… sur la Voie… une forme… une ombre resplendissante !… Écoute !

Aucun bruit ne s’élevait autour d’eux, le silence le plus absolu régnait. Seulement Nazaire vit les arbres s’incliner, comme s’ils eussent été secoués par une force invisible ; et toute la plaine parut inondée d’une lumière éclatante.

Il attacha ses yeux sur ceux de l’apôtre.

— Rabbi, qu’avez-vous ? s’écria-t-il troublé.

Des mains de Pierre, sa houlette de pasteur avait glissé et gisait sur le sol. Ses regards demeuraient fixés en un même point. La stupeur, l’allégresse, l’extase se peignirent tour à tour sur ses traits. Puis il tomba à genoux, les bras tendus… un cri d’amour et de foi s’échappant de ses lèvres.

— Seigneur ! Seigneur !

Il restait prosterné le front dans la poussière, comme s’il eût couvert de baisers des pieds invisibles et divins.

Et dans le grand silence de la nature, on entendit la voix du vieillard, entrecoupée de sanglots.

Quo vadis, Domine ?

Nazaire, lui, n’entendit aucune réponse : mais des paroles, empreintes d’une mansuétude et d’une tristesse infinies, déchirèrent le cœur de l’apôtre.

— Je vais à Rome, mourir de nouveau sur la croix, puisque tu as abandonné mes brebis !

Pierre restait prosterné, immobile, sans voix.

Une grande frayeur s’empara de l’esprit de Nazarias, à la pensée que le pontife ne vivait plus peut-être. Mais il le vit se relever enfin. D’une main défaillante, Pierre ramassa son bâton de pèlerin, puis tourné vers les sept collines, silencieux, il reprit le chemin de la cité.

Quo vadis, Domine ? demanda à son tour l’adolescent.

— À Rome, répondit Pierre tout bas.

Et il y revint pour mourir.


Je ne saurais mieux terminer ma tâche, qu’en reproduisant le touchant récit de cette mort.


Les portes de la prison s’ouvrirent, et Pierre apparut entouré des soldats de la garde prétorienne. Déjà le soleil descendait à l’horizon vers Ostie et la mer. La journée finissait calme et sereine. L’apôtre ne dut pas charger la croix sur ses épaules. On avait eu pitié de son grand âge, tant il paraissait maigre et affaibli. Il s’avançait libre d’entraves, en tête du cortège, et les fidèles pouvaient le reconnaître de loin. À la