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fréquemment au camp, se montrant aux soldats, assistant aux distributions de pain et de viande ; ou bien elle s’asseyait à la table du maréchal de Boufflers, avec le roi d’Angleterre, l’infortuné Jacques II, que, par une attention plus courtoise que politique, Louis XIV avait invité à venir passer quelques jours au camp[1]. Elle ne manquait pas non plus à visiter les couvens, les abbayes. Ainsi elle se formait peu à peu à son métier de princesse. De son côté, le duc de Bourgogne avait fait son premier acte d’homme. À Rome on eût dit qu’il avait pris la robe virile. Tous deux grandissaient et se fortifiaient. L’année suivante, le Roi jugea qu’il était temps, comme on disait alors, de les mettre ensemble. Il semble qu’une décision de nature aussi intime dût demeurer secrète. Mais il n’en pouvait être ainsi dans un temps où tout était public dans l’existence des princes, depuis le lever jusqu’au coucher. Les auteurs du temps parlent de ce rapprochement aussi simplement qu’ils feraient d’une cérémonie de cour. Nous imiterons les auteurs du temps.


VII

Du moment que le duc de Bourgogne allait cesser de demeurer avec ses frères, il fallait de toute nécessité lui trouver un appartement. Au mois de juillet 1699, on commença de s’en préoccuper. Si grand était le nombre des logemens accordés par le Roi dans le palais de Versailles qu’il n’en restait pas un seul dont le duc de Bourgogne pût s’accommoder. Force fut de faire à la fois dans le palais constructions et remaniemens. Sur une petite cour qui dépendait de l’appartement de Monseigneur, on édifia un cabinet où le duc de Bourgogne pourrait s’habiller. Mais comme, réduit à un simple cabinet de toilette, son logement aurait été bien exigu, on lui donna en outre celui de la maréchale de la Mothe. Le duc d’Anjou devait occuper la chambre habitée jusque-là par le duc de Bourgogne, le duc de Berry celle occupée par le duc d’Anjou. Quant à la maréchale de la Mothe, bien que ses fonctions de gouvernante des Enfans de France eussent pris fin, en fait, depuis fort longtemps, le Roi ne voulut pas lui retirer son logement de Versailles, et il lui donna celui du duc de Berry, au grand regret de la vieille maréchale qui, ce logement étant

  1. Archives de la Guerre, Minutes, septembre et octobre 1698. Lettre du 7 septembre adressée à milord Middleton.