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C’était certes fort bien joué, mais il aurait fallu disposer de la force nécessaire pour imposer à la Chine l’acceptation de ces conditions. Or la saison était peu propice : en hiver, où le Petchili est gelé, la Russie est toujours plus puissante à Pékin que l’Angleterre. On le vit cette fois encore. Devant les menaces de M. Pavlof, chargé d’affaires de Russie, le Tsong-li-Yamen n’osa se rendre aux demandes de sir Claude Macdonald, ministre d’Angleterre, pourtant énergiquement présentées. L’emprunt direct ne fut pas conclu, Talien-wan ne fut pas ouvert, et la Grande-Bretagne dut se contenter d’un accord, conclu à la fin de février 1898, en vertu duquel elle obtenait cependant encore d’importantes concessions. Les navires à vapeur européens pourraient, à partir de juin 1898, naviguer sur tous les cours d’eau de l’empire ; aucune partie du bassin du Yang-tze-kiang ne serait jamais cédée ni donnée à bail à une puissance étrangère ; un port serait ouvert dans la province du Hounan ; le poste d’inspecteur général des douanes demeurerait réservé à un sujet britannique aussi longtemps que le commerce britannique occuperait le premier rang dans les échanges extérieurs de la Chine. La valeur de ces engagemens ressort de leur énoncé même et du fait que le bassin du Yang-tze est la partie la plus riche et la plus peuplée de l’Empire du Milieu. Comme commentaire à cet accord, la Chambre des communes inscrivait en mars dans l’adresse au trône « qu’il était d’une importance vitale pour le commerce et l’influence britannique que l’indépendance de la Chine fût respectée ; » et, au cours de la discussion, M. Curzon, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères, déclarait : en premier lieu, que l’Angleterre était opposée à toute attaque contre l’indépendance ou l’intégrité de l’Empire du Milieu ; en second lieu, qu’elle résisterait à toute tentative de fermer un port chinois à son commerce alors qu’il resterait ou deviendrait ouvert au commerce d’une autre nation ; enfin, qu’elle était déterminée à maintenir dans leur entier tous les droits qu’elle tenait du traité de Tientsin en 1858. C’était l’énoncé de la fameuse politique dite de la porte ouverte.

Cependant l’Allemagne faisait ratifier par la Chine, dans ce même mois de mars, son occupation de Kiao-tchéou, qui lui était donné à bail pour quatre-vingt-dix-neuf ans, et qu’elle s’empressait, il est vrai, de déclarer port franc. Un réseau étendu de chemins de fer lui était en même temps concédé dans le Chan-toung, où elle se constituait une sphère d’intérêts, prétendant sans ambages pour ses